L'Adour, aller au fil de l'eau
L'Adour, aller au fil de l'eau
Historiquement, les voies d'eau ont participé, voire déterminé l'aménagement et le développement des territoires. La disponibilité de la ressource en eau et le transport fluvial ont conditionné l'installation et le développement des cités landaises. De la même manière, l'installation et le déploiement des activités économiques sont intimement liés à la ressource en eau. Sur le fleuve Adour et ses affluents, les aménagements pour tirer parti de la ressource et de la force du courant ou s’en prémunir sont nombreux, et sont souvent réalisés sous l’impulsion des autorités, qu’elles soient seigneuriales au Moyen Age, religieuse ou, après la Révolution, administrative.
Descendre et remonter le fleuve, passer d’une rive à l’autre a longtemps été une nécessité pour assurer les liens entre les populations, les territoires et réaliser les échanges commerciaux.
Naviguer sur le fleuve, c’est adapter son embarcation à la particularité du fleuve, ses courants, ses vents, sa profondeur… « Fleuve vagabond », il apparaît comme une passerelle pour le département, et non une frontière. Du XVIIe au XIXe siècle, le commerce fluvial est un des plus actifs avec un échange transversal de l’amont vers l’aval de productions locales et régionales et de l’aval vers l’amont de denrées étrangères, induisant ainsi des aménagements. L’Adour devient ainsi la voie principale d’un trafic vivrier, fleuve de grand cabotage avec une batellerie qui lui est propre. Mais comme tous les grands fleuves de l’hexagone, l’Adour va aussi être l’acteur des grands échanges commerciaux transatlantiques au XVIIIe siècle. Mais, avec l’arrivée du chemin de fer dans les années 1860 et la modernisation des routes, l’activité commerciale de l’Adour va diminuer au profit d’une « activité loisir » autour de laquelle, demeure croyances et magie de l’eau.
Sommaire
Aménager
Sur le fleuve Adour et ses affluents un grand nombre d’aménagements, certains très anciens, facilitent l’exploitation des eaux et du courant. La plupart d’entre eux ont plusieurs objectifs : stabiliser le lit du cours d’eau ; augmenter la vitesse d’écoulement en rendant le tracé plus rectiligne ; la ralentir en barrant la rivière totalement ou en partie afin d’établir une dérivation dans des canaux artificiels. Certains aménagements sont voulus par les autorités et modifient considérablement la physionomie du fleuve et de ses affluents.
Ainsi les travaux de fixation de l’embouchure à Boucau, conçus et réalisés par Louis de Foix en 1578, s’ils répondent aux attentes des négociants bayonnais, transforment radicalement l’embouchure, donnent à Bayonne un statut de port dominant sur le fleuve et induisent pour le littoral et les ports au nord de Bayonne une diminution de leur influence tant sur la mer que sur l’arrière pays landais. Dans un tout autre registre, mais nécessitant aussi des aménagements importants, les besoins de la Marine en troncs pour la mâture, dès le XVIIe siècle, entraîne l’élargissement du Gave de Pau et la rectification du cours du Gave d’Oloron afin de permettre le radelage de ces troncs vers Peyrehorade puis vers les arsenaux royaux de Bayonne. Ces aménagements sont exceptionnels.
En général jusqu’au XIXe siècle, les projets et les réalisations sont modestes. Si dès le Moyen Âge, on se préoccupe d’aménager berges et lit du fleuve en partie pour améliorer la navigabilité des cours d’eau que les variations de débit rendent compliquée. Mais ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle, grâce à l’action conjointe des physiocrates et des hommes de sciences, que sont réalisées de véritables études d’hydrologie à l’origine de projets quelquefois très ambitieux comme le canal Adour-Garonne.
Dans les campagnes, on équipe les rives de moulins et donc de canaux ; dans les bourgs et les villes de quais et de digues afin entre autre de resserrer le fleuve augmentant ainsi la vitesse du courant mais aussi son activité érosive. Ces travaux de chenalisation augmentent le tirant d’eau et améliorent la navigation.
Dans le lit, après des enquêtes longues et minutieuses, on installe des seuils et des barrages qui suscitent de nombreux conflits nécessitant des « Règlements d’eau ».
- Les seuils sont des équipements barrant le cours d’eau ; constitués par des enrochements, des ouvrages plus ou moins maçonnés ou consolidés par des palplanches en bois pour casser la vitesse du courant, stabiliser le lit et permettre éventuellement une dérivation du cours d’eau pour un canal par exemple.
- Les barrages sont des ouvrages plus techniques présentant des pertuis associés ou non à des systèmes d’ouverture ou de fermeture permettant le passage éventuel des bateaux ou une circulation de l’eau plus importante.
La construction de canaux pour la meunerie est ancienne, et s’est développée sur de nombreux cours d’eau, affluents directs ou indirects de l’Adour, même de très faible débit ; il s’agit en général de biefs, canal de dérivation d’un cours d’eau destiné à alimenter en énergie hydraulique les moulins à eau nombreux dans les Landes. L’eau arrive dans une retenue plus ou moins importante et canalisée grâce à une chute, elle permet le mouvement de la roue ; le canal de fuite permet le retour de l’eau au cours d’eau initial. Creusé par l’homme, il peut être consolidé par des ouvrages de bois destiné à limiter les éboulements. Ces canaux artificiels doivent être entretenus par le propriétaire du moulin. Localement le nombre de ces moulins (en 1790, le département en compte 584) a considérablement modifié le réseau hydrographique. Existent aussi des canaux de drainage dans certains espaces régulièrement envahis par les eaux, comme dans les barthes du Bas-Adour ; les canaux sont alors rectilignes, ménageant ainsi des parcelles géométriques pouvant être utilisées hors période de crue et sur lesquelles la collectivité villageoise exerce un contrôle rigoureux.
Le canal d’Alaric est un autre exemple de canal creusé par l’homme entre Pouzac dans les Hautes Pyrénées au nord de Bagnères-de-Bigorre et Préchac-sur-l’Adour dans le Gers. Utilisant les lits d’anciens cours de l’Adour qui sont raccordés, ce canal, long de plus de 70 kilomètres, dérive une partie des eaux. Il porte le nom d’un roi wisigothique et probablement son origine est ancienne, sans doute médiévale, mais sa longueur n’est attestée qu’en 1741. Il répond aux besoins d’irrigation de la région en particulier pour l’élevage des chevaux tarbais, mais son utilisation par des particuliers, quelquefois abusive, suscite de nombreux conflits d’usage même après 1865 et impose la création d’un syndicat général de l’eau encore en activité aujourd’hui.
Pour élargir l’arrière-pays des ports d’amont de l’Adour, dès le milieu du XVIIIe siècle, un certain nombre de projets de creusement de canaux sont envisagés en particulier en 1740 un canal latéral de Saint-Sever vers Riscle dans le Gers. Courant XIXe siècle, les projets se précisent avec une jonction Bayonne-Bordeaux au travers de la Grande Lande, soit par les étangs du littoral soit par les vallées du Bés et de l’Eyre ; une jonction Adour-Garonne par un canal entre la Midouze et la Baïse. Ces projets s’intègrent dans un projet plus global : le canal royal des Pyrénées cartographié vers 1820.
Au niveau de Saint-Sever la présence de nombreuses saligues sur ce plan témoigne des fréquentes divagations du fleuve. En 1818, un géomètre relève le tracé de l’Adour à proximité du pont de Saint-Sever et du quartier de Péré, en établit les profils afin d’envisager une rectification rectiligne de son cours permettant de chenaliser durablement le lit du fleuve.
La digue de Saint-Maurice coupe l’Adour, de la commune de Saint-Maurice-sur-Adour (rive droite) à la commune de Larrivière-Saint-Savin sur la rive gauche qui appartenait à Saint-Maurice jusqu’en 1806. La présence de cet ouvrage est attestée en 1742 mais elle est probablement plus ancienne ; sa construction et surtout son exhaussement provoquent de multiples incidents avec le bourg de Grenade en amont, en particulier lors des crues. Ces incidents et les plaintes qui en résultent sont à l’origine de plusieurs « Règlements d’eau » qui établissent les propriétés et mesures de cette digue. Celui de 1849 autorise le propriétaire à dévier une certaine quantité d’eau avec une digue de 190 mètres de long et un couronnement de 2,58 mètres.
Aujourd’hui encore les évolutions de la digue sont l’objet de plaintes et requièrent l’attention des pouvoirs publics.
En 1836, le souci d’améliorer la navigation de l’Adour incite les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées à envisager de nouveaux équipements. Ici, l’ingénieur établit le plan à l’échelle d’un barrage. Construit en charpente et pierres sèches, il dispose d’un pertuis, ouverture pour laisser passer les bateaux, dont les murs latéraux, le bajoyer, sont en maçonnerie. « Passelis » signifie que l’ouverture est dépourvue de système de fermeture.
Riverains de l’Adour, les barthes sont des espaces sensibles aux mouvements des marées et régulièrement inondés. Vu leur pente minime, l’écoulement des eaux y est difficile. Les travaux de drainage de ces espaces commencent à la fin du XVIIe siècle ou au début du XVIIIe siècle avec la constitution d’un réseau complexe de canaux. Ils permettent l’évacuation dans l’Adour des eaux de pluie, de ruissellement et d’inondation grâce à un système de « portes à flot ». Elles s’ouvrent pour laisser passer l’eau des barthes à marée basse et les ferment à marée haute.
Le moulin de Sorde, sur le Gave d’Oloron, fonctionne grâce à un canal de dérivation creusé au sud de la rivière. Pour faciliter l’alimentation du canal, des digues ont été aménagées dans le courant du Gave avec des passelis ; une partie de l’eau est dérivée vers le moulin (en bas à droite du plan), l’autre s’engage dans le passelis et suit le tracé du Gave. Ce plan a été levé lors d’un conflit lié au mauvais entretien des digues qui laissait passer plus d’eau et donc diminuait l’efficacité du moulin.
Le projet est d’envergure puisqu’il s’agissait de relier la Midouze à la Baïse en empruntant les vallées de la Douze, de l’Estampon, du Rimbez et de la Gélize. Les gabarres auraient pu relier Mont-de Marsan à la Garonne au port de Pascau (commune de Saint-Léger en Lot-et-Garonne) au nord d’Agen, près d’Aiguillon. La longueur prévue du canal était de 110 kilomètres mais du fait des dénivelés vers la Baïse et la Douze, il nécessitait la construction de 57 écluses, de 52 ponts et de 19 aqueducs. Le coût en aurait été prohibitif.
Le projet est abandonné en 1903 ce qui correspond à la cessation d’activité du port de Mont-de-Marsan.
Naviguer
Descendre et monter le fleuve, passer d’une rive à l’autre furent longtemps des nécessités pour assurer le lien entre les populations, les territoires, et réaliser des échanges commerciaux. Utiliser les ressources halieutiques a été essentiel pour subvenir à l’alimentation, longtemps réglée par l’Église qui imposait 146 jours « maigres » par an, c'est-à-dire sans viande. Cependant, par ses régimes différents et sa morphologie même, l’Adour n’était et n’est toujours pas navigable sur l’ensemble de son réseau, d’où le recours à la route et aux chemins charretiers. C’est dans un triangle compris entre Saint-Sever, Mont-de-Marsan et Bayonne que le fleuve a longtemps été emprunté comme voie de déplacement et de commerce. La partie navigable au XIXe siècle a progressivement été réduite à la zone comprise entre Port-de-Lanne et l’embouchure, soit 35 kilomètres. Pendant des siècles, une multitude de bateaux et de bateliers sillonnent le fleuve, aidés parfois par les hommes et leurs bêtes, qui du chemin de halage, assistent les équipages dans la traction et les manœuvres.
Il est aujourd’hui difficile d’imaginer la diversité des bateaux qui empruntaient le fleuve...
La batellerie aturienne était très diversifiée et n’avait rien à envier aux autres fleuves. Les lieux et les usages ont conditionné les formes, les techniques de construction et les modes de navigation. Ainsi, c’est une quinzaine de bateaux différents, du plus petit le couralin (coralin), d’environ 4 mètres au plus grand de 24 mètres, la galupe (galupa) ou gabarre qui ont remonté et descendu le fleuve au cours des siècles.
Leurs noms ? Bachet (Vaishèth), chaland, chalibardon (shalibardon), chaloupe, couralin (coralin), courau (corau), corau-barbotat, drageur, erran, flibot, gabarres (gabarra), galupe galupa, halo, pinasse, pirogue, tilhole (tilhòla)… Pour chacun une forme, une technique de construction, un ou des usages, un mode et un espace de navigation. Les bateaux utilisés dans la zone fluviale de Mont-de-Marsan et Saint-Sever à Bayonne sont généralement à fond plat, leur permettant de naviguer quelle que soit la hauteur d’eau, équipés de rames, parfois de voile, et manœuvrés par un aviron. Leurs formes et dimensions s’adaptent progressivement aux volumes et types des charges transportées, ou à leur usage. Il en est ainsi pour la galupe, grand bateau qui assure, sur de longues distances, le transport de pondéreux encombrants (tonneaux, pierre). Elle est utilisée jusqu’au début du XXe siècle. Dans la zone la plus basse du fleuve, fortement soumise aux courants et marées – de Port-de-Lanne à l’embouchure, on rencontre dès le XXe siècle, d’autres types de bateau de charge. Le bachet, embarcation à quille, étrave et étambot , affecté au transport de minéraux, castine, gravier, sable et produits agricoles.
Pour assurer le chargement, le déchargement des marchandises, servir de bac ou d’allège, pour le service du port de Bayonne, c’est au courau que l’on fait appel. Bas de bord, de plus faible capacité de charge, plus petit et plus manœuvrable que la galupe, il effectue des déplacements plus courts. Utilisé dès le XVIIIe siècle, il est représenté sur les peintures de Joseph Vernet. Ces quelques exemples illustrent l’adaptation du bateau à l’usage et à la zone de navigation.
Dans cette longue liste, quels sont les bateaux les plus anciens ? Le chaland et la pirogue. Ils naviguent sur l’Adour du Moyen-Âge (probablement bien avant) au XXe siècle et sont objet de recherches archéologiques. Le chaland monoxyle de « L’Irle » commune de Mées est daté entre 1321 et 1433.
Le plus récent et toujours en usage ? Le couralin, seul témoin actuel de cette batellerie aturienne.
Le plus spécifique bien que disparu depuis le XIXe siècle ? La tilhole. Avant tout bateau de pêche (saumons, aloses, esturgeons), la tilhole était adaptée à la navigation dans le Bas-Adour. Caractérisé par sa forme trapue, son architecture semble immuable de sa conception (entre les XIe et XIIIe siècles) à sa disparition brutale au XIXe siècle. « Cette remarquable fixité dans le temps implique que l’architecture de la tilhole ait été codifiée avec précision à l’aide de règles de conformité ; recettes orales ou gabarits matériels qui en assuraient l’invariabilité […] on peut assurer que leur construction était l’affaire de spécialistes… »
Bateaux et bateliers ont été l’âme du fleuve.
Autour du bateau une grande diversité de métiers. Il faut fournir en matériaux, construire et réparer, équiper, naviguer. Il faut aussi, parfois, aider le bateau dans sa remontée du fleuve ou le guider lors du passage de l’embouchure. Au cours des siècles, une multitude de métiers se créée et se développe, constituant une société professionnelle spécialisée souvent organisée en corporations jusqu’à la Révolution. Les compétences des hommes de l’amont rejoignent celles de ceux de l’aval, les hommes de la terre aident les hommes du fleuve qui travaillent alors ensemble, formant une véritable chaine opératoire.
Les métiers de la construction : tout débute avec le transport des matériaux, principalement assuré par les radeleurs qui accompagnent et guident les radeaux de bois de l’amont jusqu’aux chantiers navals de l’aval. La construction est du domaine des charpentiers de navires et de marine, souvent organisés en corporation. Celle des tilholiers est l’une des plus anciennes.
Les métiers de l’équipement : la batellerie de l’Adour nécessite, suivant les types de bateaux et les lieux de navigation, un équipement spécifique.
- Pour la propulsion à voile, un gréement et des voiles. Les métiers de voilier, maître voilier, marchand voilier apparaissent dans les sources.
- Pour la propulsion humaine, la fabrication de rames et d’avirons. Les avironniers ou « faiseurs de rame » sont organisés en corporation et doivent, pour leur admission à la maîtrise, réaliser un chef-d’œuvre. Les Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques nous renseignent sur Jean Dupuy qui doit, pour être admis à la maîtrise, réaliser en 1696 « trois rames, l’une pour galuppe, l’autre pour chaloupe et la troisième pour tillole », chaque embarcation nécessitant un type de rame particulier.
Les métiers de la navigation : la navigation est pratiquée de manière différente suivant les types d’embarcation, les usages et les zones d’influence des courants, des marées et des vents. Les navigateurs de l’Adour sont généralement appelés bateliers. Sous cette appellation nous trouvons, les tilholiers, les galupiers, les chalantiers, les chalibardons (bateliers du Haut-Adour), une précision qui définit la spécificité nécessaire au maniement de chacune de ces embarcations. L’aide à la navigation est assurée par les hommes de la terre et leurs bêtes. C’est le halage, la « chirgue ». Cette pratique conduit à la création et à l’entretien de chemins, à la présence de maisons relais que l’on peut retrouver le long des rives, à la disponibilité nuit et jour des hommes et de leur attelage.
En aval, la navigation est autre. Dans la zone estuarienne, au niveau de l’embouchure le mouvement des sables est incessant, modifiant régulièrement la profondeur du chenal menant à l’océan, transformant l’embouchure au point de la rendre parfois impraticable. Les mouvements des bateaux sont accompagnés par des spécialistes de la navigation portuaire. Ainsi naît le métier de pilote qui s’organise et se règlemente dès la fin du XVIIe siècle. À bord de leur chaloupe, ils guident ou remorquent le navire entrant ou sortant.
La transformation des usages du fleuve a vu progressivement disparaître une multitude de pratiques, de bateaux, et rares sont aujourd’hui les métiers liés à la batellerie de l’Adour. Cependant, la mémoire n’a pas totalement disparu, la transmission de la construction navale est assurée par des spécialistes, des particuliers conservent parfois des gabarits ayant servi à la fabrication de couralin, la tradition de l’ex-voto est perpétuée par la création contemporaine, telle la galupe dans l’église de Saubusse.
Réalisée en 1610 par Nicolas Flambergue, artiste flamand, lors d’un procès entre la ville de Bayonne et celle de Saint Jean-le-Vieux (Mouguerre), la carte représente la côte atlantique et Bayonne à droite (ouest), en haut la chaîne des Pyrénées et son piémont (sud) avec, en premier plan, en bas, l’Adour la Rivière de Ladour ou de la dou. Elle évoque une grande activité fluviale et maritime représentée par des bateaux de haute mer sur l’océan, l’embouchure et l’estuaire, la batellerie de l’Adour, sur le fleuve, de Bayonne aux environs de Lahonce et Saint-Martin-de-Seignanx.
La tilhole et son tilholier remontant le fleuve.
De type endogène (construction locale sans influence extérieure), la tilhole était un bateau de pêche, à la forme très caractéristique, large et trapu, pointu à l’avant, plat et relevé à l’arrière. Pour le manœuvrer, le batelier, ici le tilholier utilise deux types de forces. La force humaine : un seul homme, dos à la direction du bateau, est placé à l’arrière. Il le propulse grâce à deux rames. Les forces naturelles :
- Le vent : Le tilholier utilise une voile rectangulaire à deux vergues (pièces de bois disposées en croix sur l'avant du mât pour soutenir une voile). La représentation montre qu’il navigue vent arrière. Il profite donc du sens du vent.
- Le courant et la marée : les courants alternatifs (marée montante/marée descendante) aident à la navigation.
Le chaland et son chalandier ou chalantier
Bien que non spécifique de la batellerie de l’Adour, mais très présent, le chaland se caractérise par sa forme symétrique (pointu à l’avant et à l’arrière), de proportion étroite et à fond plat. C’est un bateau qui a beaucoup évolué. Construit dans un premier temps dans un seul tronc d’arbre évidé (monoxyle), il est ensuite constitué au moyen de planches de bois assemblées. Ses dimensions sont comprises entre 4.5 et 8.5 mètres.
Bateau de transport de produits agricoles de petite quantité, de personnes pour traverser le fleuve, il est aussi pour les plus grands, bateau de pêche au saumon et à l’alose. Il était souvent la propriété des maîtres de maison bordant l’Adour, parfois peint de couleur vive (vert ou bleu) et d’une bande blanche d’une pointe à l’autre.
Suivant les périodes et type de construction, il était manœuvré au moyen d’une perche (comme ici) ou équipé d’une voile et d’un aviron. Sur la représentation ci-contre, le batelier est installé au milieu du chaland.
L’embarcation est manœuvrée par un équipage composé de trois personnes. À l’avant, deux rameurs, à l’arrière un batelier tenant un aviron de queue. Une voile aide à la propulsion.
De nombreuses épaves de chalands ont été découvertes sur les rives et dans l’Adour, comme ce chaland découvert sur la commune de Saint-Vincent-de-Paul au lieu-dit « Libe ». Elles témoignent d’une activité de transport de personnes, de charges légères et de pêche. Son utilisation a aujourd’hui disparu.
Une galupe est l'appellation gasconne des anciennes gabares. Ce type de barque à fond plat était utilisé pour le transport fluvial des marchandises dans les Landes de Gascogne jusqu'au début du XXe siècle. La gabarre est un type de bateau traditionnel destiné au transport de marchandises. Deux types de navires sont désignés par ce mot : les gabares fluviales et les gabares maritimes.
Construites en chêne, les galupes mesuraient de dix à vingt-cinq mètres de long sur quatre à cinq mètres de large, pesaient quinze à vingt tonnes et pouvaient emporter jusqu'à soixante-dix tonnes de marchandises. La poupe, de forme carrée et relevée, offrait un abri de fortune. La forme de la proue, pointue et relevée, facilitait l'accostage. Barque à fond plat, de faible tirant d'eau pour éviter le piège des hauts-fonds sablonneux des rivières et munies en guise de gouvernail d'un long aviron de queue, elles descendaient la rivière en s’aidant du courant et la remontaient au halage. Les plus grands modèles étaient équipés de bancs fixes, utiles pour les manœuvres. Plus rarement, certains modèles étaient munis de voiles.
La descente en trois jours de la Midouze et de l’Adour depuis l'ancien port de Mont-de-Marsan, facile et peu onéreuse, s’effectuait via Tartas et Dax jusqu’au port de Bayonne. La remontée était plus compliquée : tirée « à cordelle » depuis le chemin de halage par des bœufs, le bateau exigeait parfois d’énormes avirons.
Plusieurs bateaux à vapeur ont sillonné l’Adour. Un premier projet de mise en service d’un vapeur échoue en 1831. Une dizaine d’années plus tard, le « Xavier » suivi du « Ville de Dax » assurent la liaison Dax, Peyrehorade, Bayonne. C’est à la fin du XIXe siècle en 1893 que « l’Eclair », construit sur des chantiers bordelais, est racheté pour assurer la navette entre Bidache et Bayonne. Notables, ouvriers et paysans y prenaient place parfois accompagnés de bétail. Le trajet durait deux heures.
Produire, échanger
Dès le Moyen Âge les flux commerciaux sur la partie navigable de l’Adour et certains de ses affluents se développent comme en témoigne l’activité portuaire de Mont-de-Marsan à partir du XIIIe siècle sur la Midouze. En attestent aussi les conflits qui opposent au XVIe siècle les négociants de Bayonne et les seigneurs qui contrôlent le fleuve et perçoivent des péages sur la navigation et le transport de marchandises. Ces flux connaissent une importance considérable à partir du XVIIe siècle.
En fonction des aires de provenance et de distribution des marchandises on peut distinguer trois types de flux commerciaux qui ont évolué selon les époques :
- Des flux de produits agricoles ou de matières premières dans un espace limité au bassin versant et à ses marges. Le transport de céréales arrive en tête. Les grains de froment viennent principalement du Marsan et de l’Armagnac, ceux de maïs de la Chalosse et ceux du seigle et du millet des landes au nord de l’Adour. Ils sont distribués vers l’arrière-pays landais, la Chalosse, le Pays basque, Bayonne qui est aussi un centre de redistribution, puis les marges béarnaises. Les sacs de grains acheminés par attelage jusqu’au port fluvial, chargés sur bateau, puis de nouveau sur charroi, arrivent à destination. Deux modes de transport et deux ruptures de charge alourdissent le coût des marchandises. Les villes situées sur l’Adour organisent marchés et foires pour assurer achats et ventes. Dax en est le meilleur exemple, carrefour et relai de poste de la route Bordeaux-Bayonne et de la voie venant de Mont-de-Marsan. Les matériaux de construction, bois ou pierre, et tous les produits issus de la résine (brai, chandelles, colophane, goudron) circulent dans cette même aire de distribution. Dans l’ensemble ces produits satisfont aux besoins essentiels des populations.
- Des flux commerciaux irriguant une région plus vaste et prenant de l’importance à partir du XVIIe siècle : importations de produits alimentaires comme le sel venu de Bretagne, du pays charentais ou même du Portugal, les poissons séchés ou salés distribués dans l’arrière-pays landais ; les matières premières venues du nord de l’Espagne, comme la laine en balle par exemple, qui alimentent des manufactures textiles du bassin de l’Adour mais aussi du Languedoc ; le fer (barres ou clous) qui approvisionne les forges artisanales ou les établissements pré-industriels. Des flux de produits finis repartent en sens inverse en suivant les mêmes axes. Ainsi les draps du Languedoc se retrouvent dans le nord de la péninsule ibérique.
Bayonne domine cette économie régionale comme le montrent les échanges de draps et d’étoffes diverses évalués à près de de 175 000 livres en 1753. Port d’estuaire, la ville organise le lien entre circulation maritime et fluviale. Transport routier quelquefois compliqué, transport fluvial et transport maritime, ruptures de charge plus nombreuses, augmentent de manière importante le prix de ces produits ; certains satisfont des besoins essentiels comme le sel, seul moyen de conserver les aliments, mais d’autres témoignent d’une relative amélioration du niveau de vie : ainsi circulent des articles de bonneterie et de chapellerie qui proviennent de différentes régions de l’ouest de la France.
Un commerce tourné vers le grand large de produits spécifiques, qui se développe surtout aux XVIIIe et XIXe siècles. Les produits destinés à l’exportation après avoir rejoint l’Adour à Saint-Sever, Mugron, Laurède ou Dax, la Midouze à Mont-de-Marsan circulent jusqu’à Bayonne qui organise les trajets atlantiques : cabotage, de port en port, le long des côtes européennes ; transatlantiques vers les côtes et les îles américaines.
Les vins du Vic Bilh, de Jurançon, du Béarn et de Chalosse sont exportés vers les villes du nord de l’Europe : ports d’Angleterre, de Flandre, de Hollande et surtout les villes hanséatiques qui sont des centres de redistribution vers le nord de l’Europe et les pays de la Baltique. Les eaux de vie d’Armagnac connaissent un succès particulier au XIXe siècle et traversent l’Atlantique. Cette activité génère un dynamisme économique qui participe de l’amélioration du niveau de vie des campagnes.
A l’importation, tous les produits du Nouveau monde, le sucre, le chocolat, les épices, les colorants transitent par Bayonne qui en prélève la « part du roi » pour développer ses activités agro-alimentaires avant de les faire circuler vers l’intérieur par le fleuve. Ce dernier commerce n’est pas négligeable en volume et témoigne de l’aisance de certains landais car il s’agit de produits de luxe, très coûteux.
Parmi ceux qui voient leur niveau de vie augmenter considérablement, les négociants des ports de l’Adour dont certains ont développé des stratégies remarquables et qui construisent des fortunes tout à fait considérables. Ainsi la famille Domenger. Aux origines de cette ascension, un couple de viticulteurs et commerçants de Mugron dont l’aîné, Dominique (1686-1759), organise une division du travail à l’intérieur de la famille qui va favoriser l’enrichissement de ce qui devient la Maison Domenger : il augmente considérablement la production de vins et d’eaux de vie soit par achat soit par affermage de propriétés qu’il met en métayage, et en organise le transport jusqu’à Bayonne avec des embarcations louées ou qu’il a fait construire dans le chantier naval de Laurède ; son frère Bernard, maître tonnelier conditionne tandis qu’André, installé à Bayonne, s’occupe des transports vers la Hollande ou l’Europe du Nord. Cette stratégie se révèle efficace et la famille Domenger connaît une grande aisance lors de cette première moitié du XVIIIe siècle avec la maison familiale et le magasin situé à Mugron. Se réservant la partie financière (gestion, comptabilité, activités de prêts), Dominique charge ses fils des activités commerciales et dote tout à fait convenablement ses filles. Bernard, son fils aîné, poursuit les activités de son père mais s’engage dans la gestion de la ville de Mugron comme collecteur de la taille, de la capitation et autres taxes. La Maison Domenger connaît une nouvelle prospérité ensuite, grâce au cadet Raymond (1716-1802) qui, tout en développant l’entreprise, s’inscrit dans une nouvelle ambition sociale puisqu’il acquiert une terre noble, la seigneurie de Segas en 1765, et achète la charge de conseiller du roi et maire de Mugron. À cette stratégie sociale correspond une stratégie matrimoniale qui permet aux filles de se marier au mieux grâce à leur dot. Ainsi si la fille aînée de Dominique dispose d’une dot de 6000 livres et une maison en 1735 lors de son mariage avec un chirurgien, sa petite fille s’élève notablement dans l’échelle des statuts en épousant en 1785 Pierre de Boulard, avocat au parlement et officier de la monnaie à Bayonne avec une dot de 20 000 livres. Progressivement la maison Domenger de Mugron est devenue une entreprise internationale qui a diversifié les produits transportés avec l’essence de térébenthine, les céréales et le bois de réglisse du Languedoc, dispose de nombreux chais à Mugron mais aussi à Bayonne, a multiplié ses contacts en Flandre, Hollande et dans l’Europe du Nord. Le commerce ne faiblit pas pendant la Révolution et la maison Domenger est à l’apogée de sa prospérité avant le blocus. Elle disparaît en 1899 à la suite d’une rupture entre les deux fils de Raymond et du décès sans postérité du dernier Domenger propriétaire de l’entreprise.
Le commerce fluvial connaît un déclin net à partir de la fin du XIXe siècle car il est fortement concurrencé par la mise en place de la circulation ferroviaire qui se cale sur le trajet des routes. Ainsi les lignes Bordeaux-Bayonne et Bayonne-Toulouse construites à partir de 1850. Le chemin de fer diminue le nombre de ruptures de charge et des acteurs assurant la circulation des produits, augmente la rapidité du trajet et au final permet de diminuer le coût du transport en assurant une sécurité presque maximale.
Depuis 1358 une charte royale anglaise accorde à Peyrehorade le droit de tenir marché et foire ; à la fin du siècle suivant, par lettres patentes, Charles VII confirme ce droit. Depuis, Peyrehorade dispose d’un marché par semaine et de deux foires annuelles.
La ville se développe sous le contrôle des vicomtes d’Orthe jusqu’à la Révolution. À ce carrefour de voies de communication, se croisent les Gaves-Réunis rejoignant l’Adour tout proche, les chemins méridiens empruntés par les pèlerins de Saint-Jacques et la route qui longe le piémont pyrénéen. Avec un relai de poste sur l’axe Toulouse-Bayonne, la petite cité est un important centre de redistribution.
Bidache dispose d’un calcaire utilisé comme matériau de construction. L’extraction de la pierre dans des carrières a généré une activité économique importante dès le XVIIIe siècle. Dans les carrières, hommes, femmes et enfants travaillent à l’extraction qui se fait avec des moyens rudimentaires même à la fin du XIXe siècle. En raison de leur volume et de leur poids, les pierres sont transportées par voie fluviale sur la Bidouze puis sur l’Adour. D’où l’existence du port avec sa cale et d’un chemin de halage.
Les terre-neuvas sont les marins, et par extension les navires, qui partaient pour des campagnes de pêche à la morue de six à huit mois au large de Terre-Neuve, près des côtes canadiennes. Cette pêche démarre au XVIe siècle avec de nouveaux bateaux qui permettent le trajet dans l’Atlantique nord, et dure jusqu’aux années 1960. Au XIXe siècle, c’est l’apogée de ce type de pêche, et sur la photographie est représenté un Terre-neuvas amarré près du quai de Lesseps sur la rive droite de l’estuaire à Bayonne et une plus petite embarcation qui va opérer le déchargement de la morue pour la transporter sur le quai d’où elle peut être expédiée sur des gabarres remontant le fleuve.
La place d’Armes à Bayonne correspond à un terre-plein situé à la confluence de l’Adour et de la Nive, sur leur rive gauche, situé après le pont Saint-Esprit. C’est à cet endroit que sont déchargées les embarcations qui proviennent du fleuve et donc de l’arrière-pays landais. Des barriques pesant environ 320 litres chargées sur des galupes qui pouvaient en contenir 110 attendent sur le quai d’être expédiées sur des bateaux à destination de l’Europe du Nord ou d’Amérique.
En 1732, Chauvelin et Orry, conseillers d’Etat au Conseil Royal, signent un arrêt d’accord de la requête faite pour ouvrir la manufacture royale de faïencerie à Samadet. Cette requête avait été présentée par l’abbé de Roquépine qui souhaitait faire fabriquer à Samadet une faïence capable de concurrencer localement et régionalement celles de Bordeaux et de Hollande ; il espérait aussi approvisionner les Isles françaises d’Amérique. Son argumentaire s’appuyait sur les ressources naturelles de Samadet et des paroisses avoisinantes et sur le faible coût de la main-d’œuvre locale qui permettrait d’espérer une forte production à un prix plus avantageux. Les faïences sont transportées par attelage et par bateau en ballots, complètent des chargements. Certains tessons ont été retrouvés lors de fouilles dans l’Adour.
Traverser
Après avoir dévalé de ses sources montagnardes, l’Adour, dans le département des Landes s’écoule dans une plaine à l‘inclinaison est-ouest dans laquelle la vallée fluviale ne fait pas une incision très profonde. Elle sépare des rives dont les paysages ruraux sont semblables même si la rive gauche présente quelques abrupts, premier étage du piémont pyrénéen. Sur l’ensemble de ce trajet jusqu’à l’embouchure, le fleuve est moins une séparation entre les deux rives qu’un espace d’eau aux contraintes particulières que les riverains apprivoisent et qu’ils vont traverser longtemps.
Longtemps les hommes s’adaptèrent au fleuve et à ses contraintes en fonction des saisons qui rythment la vie agricole et rurale.
Pour le traverser on cherchait les gués, seuils relativement stables dans le fond d’un cours d’eau, résultat d’une géomorphologie particulière comme dans le cours moyen de l’Adour et souvent d’un aménagement sommaire avec des pierres larges ou des dalles pour le rehausser. Les gués étaient surtout empruntés par les charrois et les troupeaux car on ne garde réellement les pieds secs que pendant les périodes d’étiage. Ils sont souvent placés sur des bras de la rivière ou du fleuve au niveau des îles ce qui permet de diminuer la distance de franchissement. Ils ont été très utilisés par les pèlerins cheminant vers Saint-Jacques de Compostelle ; la Via Turonensis à Sorde-l’Abbaye franchit le Gave d’Oloron par le gué de l’île Louis. L’armée anglaise de Wellington traversa l’Adour grâce à un gué au niveau de l’île de Bérenx après la destruction du pont de bois par le général français Taupin.
Dans les bourgs traversés par le fleuve et déployant leurs quartiers de part et d’autre, les riverains possèdent des bateaux dont ils se servent usuellement pour passer d’une rive à l’autre. Pour plus de commodités, certaines embarcations peuvent être louées pour faire traverser hommes, marchandises ou bêtes, juste pour un passage.
Avec le bac, certains flux méridiens se polarisent à des endroits de franchissement précis, à proximité des bourgs et dans une zone de relatif rétrécissement de la rivière ou du fleuve. Son utilisation répond à des besoins de transport quelle que soit la saison même si on évite les périodes de crues. Le bac est au milieu rural ce que le pont est à la ville et l’histoire montre qu’il est souvent une première étape avant une construction en dur soit à sa place soit dans sa proximité. C’est un bateau à fond plat que l’on peut manœuvrer avec des perches ou avec une chaîne ou une traille, câble tendu entre deux points. Le coût d’une installation de bac (barque et câble) est peu important et le batelier qui travaille toute la semaine est relativement mal payé. Pour les rentabiliser, les passages sont payants avec des prix variables selon la nature du transport. Les bacs sont régulièrement inspectés par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, en général avant le renouvellement du bail. Il y a donc une surveillance par les pouvoirs publics. Tout au long du XIXe siècle on met encore en place des bacs alors qu’on est entré dans la période de construction des ponts. Dans le département, en 1864, 27 bacs sont en activité mais seulement 7 en 1914 ; les autres ont été remplacés par des ponts.
Barques et bacs peuvent aussi être utiles lorsque les ponts sont dangereux ou en cours de réparation ; ainsi le pont de Dax, construit en chêne après la crue de 1770, est en fort mauvais état après 1814 et le passage des troupes de l’armée d’Espagne, soldats et charrois, et l’incendie de 1822. On recourt alors à la batellerie. A Bayonne, on procède ainsi en 1791 et, en 1832, on installe un pont flottant construit avec des bateaux-pontons.
Au début du XIXe siècle, on compte 39 ponts sur l’ensemble du cours de l’Adour. Ils se situent dans les villes présentant une activité économique suffisamment importante pour en supporter le coût et l’entretien. En milieu urbain, le fleuve sépare des espaces généralement différents, une rive concentrant les lieux de pouvoir, l’autre les quartiers actifs ; les ponts permettent le passage d’un espace à un autre.
Si le pont de bois a l’avantage d’être le moins coûteux à la construction, son entretien doit être fréquent et il a une durée de vie moyenne de 25 ans ; le pont de pierre, ouvrage plus monumental est plus solide mais nettement plus coûteux. Les ponts en maçonnerie, peu nombreux au début du XIXe siècle dans le département, à Roquefort sur la Doulouze et à Mont-de-Marsan sur le Midou et sur la Douze, voient leur nombre augmenter de manière considérable ; les ponts en charpente sont relégués aux bourgs ou aux routes secondaires.
Toutes ces constructions ou rénovations font débat entre les représentants de l’autorité publique et même les autorités militaires, le Génie dans le cas des deux places fortes de Dax et de Bayonne. Les décisions se font attendre longtemps, quelquefois une vingtaine d’années.
L’intensification des échanges qui ne sont plus seulement de rive à rive mais de région à région, et la construction du réseau ferré imposent le choix de ponts solides et résistant aux crues au cours du XIXe siècle, avec un certain décalage chronologique entre ville et campagne. A partir de 1880 on remplace les ouvrages en charpente par des ponts maçonnés ou métalliques puis à partir du XXe siècle on utilise le ciment armé. C’est à cette époque que l’on commence d’élargir les tabliers, certains trop étroits limitant les croisements alors que la circulation augmente.
Le XXe siècle poursuit l’œuvre de construction du siècle précédent et progressivement la traversée du fleuve se concentre exclusivement sur les ponts. Entre deux ponts le fleuve est un obstacle et les rives s’enclavent.
À quelques kilomètres du centre de Souprosse, sur la rive droite de l’Adour on remarque cette particularité géologique dans le fleuve : de grandes plaques découvertes par l’eau en période d’étiage ; elles permettaient de traverser la rivière à pied sec ou presque. Dans cette partie de l’Adour dont la vallée n’est pas profonde et qui a laissé des bras morts et des îles, les gués peuvent être relativement nombreux et des contemporains se rappellent les avoir utilisés. Le gué de Cauna appelé le « Goa de la Marle » faisait l’objet d’un péage.
Sur la rive droite de l’Adour, à Grenade-sur-l’Adour, des maisons hautes disposant de trois niveaux dont les étages d’habitation sont à l’abri des débordements, sont construites sur l’extrême bord de la rive ; chaque maison dispose d’un petit appontement permettant l’accostage et l’amarrage des bateaux relativement petits mais sans doute suffisants pour la famille.
En amont de Peyrehorade, à Labatut dont on reconnaît l’église sur la rive gauche, un bac à traille traverse le Gave de Pau en transportant un couple de bœufs attelé à une charrette. C’est un bateau à fond plat dont les bords à l’avant et à l’arrière sont suffisamment aplatis pour permettre aux attelages de passer du bac à l’appontement sans dénivelé excessif. Ce type de transport ne peut être utilisé que lorsque la rivière a un débit régulier et modéré.
Le 8 floréal an X (28 avril 1802), accord est donné pour la construction d’un pont en bois à Grenade. Le projet avait été soumis au Conseiller d’État chargé des Ponts-et-Chaussées à la condition que soient apportées des modifications par rapport au projet initial. Sur le plan dressé par l’ingénieur des Ponts-et-Chaussée à Mont-de-Marsan, les diverses hauteurs d’eau sont rapportées et en particulier celle de la crue de 1770, particulièrement importante qui avait emporté le pont de Dax. Le pont de Grenade fut lui-même emporté en 1855 et reconstruit en charpente en 1857.
Ce pont sur l’Estampon est construit en 1831. L’ancien en maçonnerie, après l’écroulement de ses arches avait été restauré avec un tablier de bois sur les piliers en pierres. Dès 1824, l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées, Jean-Sébastien Goury (1776-1853), s’inquiète de sa dangerosité et plusieurs projets sont donc proposés. Celui qui est retenu est confié par adjudication à un entrepreneur privé pour le prix de 96 927 francs (environ 317 000 euros) auquel s’ajoutent les indemnités dues aux propriétaires pour l’achat des terrains.
Le pont de Saubusse en maçonnerie, construit en 1882 en aval de l’ancien bac, porte sur ses piles un monogramme « ED » en souvenir d’une propriétaire du village, Eugénie Desjobert. Elle finança l’essentiel de la construction. Ce pont est un rare exemple de l’intervention financière privée dans ce genre d’entreprise.
Le projet est abandonné en 1903 ce qui correspond à la cessation d’activité du port de Mont-de-Marsan.
Embarquer, débarquer
Ancienne, la navigation sur l’Adour connaît une croissance importante aux XVIIe et XVIIIe siècles puis décline au siècle suivant. Les activités nécessaires au commerce fluvial se concentrent dans les ports de différentes villes ou bourgs riverains de l’Adour et de ses affluents importants, Midouze et Gaves-Réunis. Ils dépendent de la configuration du cours d’eau, de l’environnement économique immédiat et des liens pouvant s’établir avec des axes de circulation locaux et régionaux. Le développement du port nécessite l’organisation d’activités et des aménagements sur les quais et les rives. Accostage, mouillage des bateaux, embarquement, déchargement des marchandises, stockage nécessitent des infrastructures mais aussi la présence d’une main d’œuvre plus ou moins qualifiée pour assurer activités commerciales, manutention des marchandises, navigation proprement dite, entretien des embarcations et contrôle de la circulation. D’où, tout proches des quartiers accueillant infrastructures et main-d’œuvre : quais, cales, entrepôts, chais et greniers, logements, lieux de vie et de divertissements. À partir de 1830, les Ponts-et-Chaussées landais prévoient de nombreux aménagements afin de soutenir la navigation commerciale sur l’Adour.
Ces ports sont plus ou moins actifs et de ce fait leur quartier portuaire ne se développe pas de la même façon. Ainsi les ports urbains de Mont-de-Marsan et de Dax, au cœur de leur ville, se distinguent nettement des ports ruraux par l’importance de leurs infrastructures, l’organisation du quartier, la diversité de la main-d’œuvre.
Le port majeur : Bayonne.
Ce port d’embouchure actif depuis le Moyen Âge se place au sommet de la hiérarchie. Interface entre un arrière-pays aux productions variées et un avant-pays océanique, il domine toute l’artère fluviale ; ses grands aménagements sont précoces par rapport au reste du fleuve et datent des XVIIe et XVIIIe siècles. Deux chantiers de construction navale s’étendent sur la rive gauche de l’Adour en amont du Pont Saint-Esprit avec la fosse aux mâts où sont entreposés les troncs de sapin descendus par flottage de la vallée d’Aspe et sur la rive droite en aval avec le Parc de la marine, arsenal fondé par Colbert pour la construction notamment de navires de guerre. On trouve aussi différents chantiers d’entretien et de réparation des embarcations où s’emploient charpentiers de marine et calfats qui logent à proximité. Les bateaux accostent, chargent et déchargent sur les quais de la Nive, comme l’ancien quai Mayou en gradins de pierre de Bidache, celui de la Place d’Armes et ceux maçonnés des allées Marines aménagées vers 1735. Les marchandises, lorsqu’elles sont d’importance modeste, sont prises en charge par des tilholes qui circulent aisément sur l’Adour et la Nive. Entrepôts, chais et greniers se déploient surtout sur la rive droite où s’installent négociants et portefaix. En aval de ces lieux s’installent les premières industries lourdes notamment les forges de l’Adour.
Trois ports urbains : Mont-de-Marsan, Dax et Saint-Sever.
Ils datent du Moyen Âge et leur période de prospérité se situe au XVIIIe siècle. Ce sont des places commerciales importantes où parviennent des routes acheminant des productions de leur arrière-pays : denrées agricoles ou matières premières connaissant un succès certain à l’exportation, vers l’Europe et le continent américain. Le plus en amont, Mont-de-Marsan, sur la rive gauche de la Midouze après la confluence du Midou avec la Douze, est situé à un croisement de routes terrestres venant des Grandes et Petites Landes, de la Chalosse, de l’Armagnac et, au-delà, de Pau et de Toulouse. Le port de Dax, à une soixantaine de kilomètres de l’embouchure et ouvrant sur l’Adour maritime, connaît encore plusieurs décennies d’activité prospère après le déclin de Mont-de-Marsan vers le milieu du XIXe siècle. À proximité des quais et des cales, le quartier portuaire de ces villes concentre magasins, entrepôts, greniers et ateliers artisanaux, en particulier d’entretien de bateaux. S’y trouvent aussi des résidences de négociants, des logis de bateliers et différentes structures destinées à l’accueil d’une population en transit, hôtellerie, auberges et autres lieux de plaisir. La main-d’œuvre nécessaire à la navigation est aussi relativement différenciée avec à côté des bateliers, des marins et des calfats qui assurent l’étanchéité des embarcations, différents fonctionnaires assumant la surveillance de la navigation et aussi des bouviers assurant le halage. Beaucoup plus modeste, le port de Saint-Sever, se trouve dans le quartier de Péré, excentré par rapport au centre du bourg regroupé autour de l’abbatiale ; les axes de circulation qui viennent du Vic Bilh, du Tursan et de la région paloise, sont de mauvais chemins mais la route royale Saint-Sever-Orthez, améliorée au XVIIIe siècle, renforce un temps sa position de Cap de Gascogne.
Les ports ruraux.
Ce sont des ports de plus petite importance et connaissent eux aussi un développement au XVIIIe siècle. Comme port d’embarquement, ils sont plus spécialisés que les ports urbains, ainsi Mugron avec le vin ou Saubusse avec les produits résineux et ils n’exportent qu’une part limitée des produits de leur arrière-pays mais ils assurent aussi le relais des produits qui remontent de Bayonne et sont redistribués sur le marché local. Ils jouent aussi le rôle de port d’escale car les conditions de navigation imposent des étapes forcées, comme dans les ports du Bas-Adour où, les marées étant fortes, les bateaux doivent attendre le reflux. Dans cette partie de l‘Adour maritime, le quartier portuaire est essentiellement constitué de logements destinés aux hommes du fleuve, marins, bateliers et pêcheurs. Ainsi, encore en 1901, la population de Port-de-Lanne est constituée pour un tiers de « gens de rivière », pêcheurs ou bateliers, regroupés avec leur famille à proximité de l’embarcadère. Les familles se spécialisent dans l’une ou l’autre de ces activités et l’apprentissage nécessaire se fait de père en fils. L’homme qui navigue sur l’eau marchande s’inscrit dans une dynastie avec un ancêtre fondateur et une transmission qui doit autant à la lignée qu’au savoir-faire.
Le port de Mont-de-Marsan est ancien et date de la fondation de la ville par Pierre de Marsan au XIIe siècle. Dès le milieu du XVIIIe siècle, on se préoccupe d’améliorer le chenal, les rives et le chemin de halage dont l’entretien laisse à désirer ce qui provoque nombre de plaintes de la part des négociants de la ville. Lors de la première moitié du XIXe siècle, le quai Silguy est aménagé avec deux cales dont une grande et une petite qui descendent en pente douce vers la rivière pour faciliter le transport des marchandises. À proximité, les négociants ont installé des entrepôts, des chais, des greniers et différents magasins. En 1836, le recensement fait état de nombreux logements de négociants mais aussi de bateliers et de marins.
Le port de Peyrehorade est situé sur la rive droite des Gaves-Réunis en aval de la confluence du gave de Pau et du gave d’Oloron. Au XIXe siècle, le vieux port du Sablot situé au bas du château, entre en déclin du fait de la construction du pont de bois en 1837. Le trafic est alors transféré plus en aval : quai du Roc. Le radelage des troncs de sapin de la mâture s’arrête à Peyrehorade ; ils sont transférés toujours par voie d’eau jusqu’aux chantiers navals de Bayonne. Peyrehorade dont on voit les aménagements sommaires est principalement un port de redistribution des marchandises venues de Bayonne ou du Bas-Adour en général ; il assure aussi le transport de passagers.
Le port de Bidache est situé sur la rive gauche de la Bidouze, affluent de l’Adour ; le quai a été aménagé en gradins pour faciliter la manutention de produits pondéreux, en particulier la pierre de Bidache, très prisée pour les constructions, qui circulait par voie d’eau.
Situé sur la rive gauche de l’Adour, le port se trouvait au bas d’une voie de terre, le Chemin de la Montagne, descendant en pente raide du bourg en belvédère. Les divagations du cours d’eau vers le nord isolent ce site primitif du fleuve obligeant les autorités à fonder une annexe, le Menet. La chaussée qui y conduit nécessite de considérables investissements. En 1848 il est prévu d’y construire une cale, c’est à dire un plan incliné en pente douce permettant de mettre à l’eau ou de sortir un bateau.
Port d’embouchure, Bayonne est aussi une place forte avec des contraintes imposées par les autorités militaires et civiles. L’activité portuaire se développe autour de la confluence de l’Adour et de la Nive. Arrivée du Pays basque, la rivière sépare le quartier du Petit-Bayonne sur la rive droite du Grand-Bayonne où autour de la cathédrale se trouvent les lieux de pouvoir politique, économique et culturel. La circulation et les échanges de marchandises sont contrôlés par la Douane située sur la place Gramont et installée dans un bâtiment construit en 1649-1659 où se trouve l’hôtel de la Bourse des marchands.
Saint-Esprit sur la rive droite de l’Adour, détaché de Bayonne en 1790 devient commune landaise, puis est de nouveau rattachée à la cité portuaire en 1857.
L’ancien port de Bayonne qui se développe autour de la confluence de l’Adour et de la Nive se trouve à une dizaine de kilomètres de l’océan. Les activités portuaires se sont développées tout au long des deux rives du fleuve en se déplaçant vers l’aval ce qui a nécessité la construction de digues à claire-voie, afin de maintenir l’embouchure, digues situées sur les communes d’Anglet sur la rive gauche, de Boucau et de Tarnos sur la rive droite.
S'émouvoir et imaginer
Les fleuves trouvent leur place dans l’imaginaire des hommes. S’ils exercent une certaine attirance, inspirent poètes et peintres, ils sont aussi source de peurs, de répulsion parfois. Leurs eaux recèlent des mystères, elles soignent (sources miraculeuses et thermalisme), abreuvent, nourrissent et fertilisent les rives (barthes), mais leurs forces parfois dévastatrices déclenchent peurs et désarroi. Cette ambivalence entre confiance et méfiance conduit l’homme à vouloir les comprendre, les surveiller, pour enfin espérer les maîtriser. Il en est ainsi pour l’Adour.
Parmi les populations riveraines on trouve bateliers, pêcheurs, marins.
Lorsqu’ils naviguent ou pêchent, ces femmes et ces hommes sont tributaires des eaux qui leur jouent parfois de mauvais tours et de nombreuses croyances ont vu le jour ; divinités de toutes sortes, bénéfiques ou maléfiques, fées, lutins, dragons peuplent l’imaginaire des populations du bord de l’eau. Face à ces croyances qui relèvent d’un paganisme ancien, le clergé organise l’intercession pour se recommander au divin avec une procession suivie par les bateliers, les pêcheurs et les marins portant sur leurs épaules un ex-voto. Suivie de la clique locale, elle allait de l’église jusqu’au fleuve. Après une messe célébrée face à l’Adour, le prêtre et les enfants de chœur, montaient à bord d’une embarcation pour rejoindre le milieu du fleuve. Il bénissait alors navigants, pêcheurs, bateaux, filets et flots, appelant ainsi la protection sur la batellerie.
Lorsque la crainte du fleuve s’atténue, l’Homme apprivoise l’eau, Il s’y divertit et le fleuve est alors terrain de jeux. L’Adour et son affluent la Midouze deviennent des espaces de loisirs, où l’on pratique des concours de pêche amateurs, sur lesquels on navigue pour le plaisir et la détente. A partir du XXe siècle, la navigation sportive trouve sa place sur le fleuve. Sur le fleuve, s’inscrivent aussi les jeux du mât de cocagne et de la toupiade. Cette dernière, également appelée jeu du pot cassé ou jeu du pont d’amour, aujourd’hui disparue, a existé de la fin du Moyen Âge au milieu du XVIIIe siècle. L’organisation de ces jeux célébrait un évènement, comme par exemple, à Dax en 1682, lors de la naissance du Duc de Bourgogne. Ils se déroulaient de la façon suivante. : « Au milieu du pont on construisait une petite tour en planches dans laquelle se plaçaient trois défenseurs abondement approvisionnés de pots en terre (fraîchement travaillés ou en terre séchée); à un signal donné six coups de canons, les assaillants, au nombre de six, armés de rondaches, de casques et de mousquets descendaient la rivière dans de petites nacelles ; le combat commençait alors, ceux de la tour jetant leurs pots aux assaillants, qui, de leur côté, ripostaient par une mousqueterie peu dangereuse, car les projectiles consistaient en grenades de terre molle, l’assaut se renouvelait trois fois, le vainqueur était couronné ». Des pots de terre ont été découverts dans l’Adour et se trouvent actuellement au Musée de Borda à Dax.
Le fleuve est paysage satisfaisant les besoins esthétiques des hommes qui ont souvent cherché à s’installer sur leurs rives, bénéficiant ainsi de la beauté des lieux, de la couleur et de la lumière des eaux toujours en mouvement, du souffle du vent à leur surface. Décor pour les châteaux et leurs jardins, mais aussi pour les autorités venues rappeler de manière festive leur pouvoir sur terre et sur eau.
Cet aspect festif donné au fleuve se retrouve, de manière officielle, dans l’accueil de personnages importants. Comme lieu de réjouissance, il se pare alors d’un véritable décor. Il en fut ainsi lors du Grand tour de France du roi Charles IX et de sa mère Catherine de Médicis en 1564-1565. Abel Jouan, poète et historien du XVIe siècle, relate le voyage royal sur le fleuve que la cour emprunte pour rejoindre Dax. Le souverain embarque de Saubusse à Bayonne, prend le bateau pour aller diner à « La Housse » (Lahonce). Il embarque en soirée, pour aller souper en « l’isle Daisguemeau ». […]La Doue [l’Adour] est belle petite rivière et l’île d’Aiguemeau « est une ile où il n’y a pas de maison. Et pour cette cause, la reine y fit faire une belle fueillee [flambée] qui coustat un grand denier et un festin au souper auquel les grands seigneurs et dames portaient la viande et étaient habillés en bergers et bergères. Puis après souper qui était la vigile Saint Jean Baptiste, [ils] s’embarquèrent pour aller voir le plaisir du feu de la Jouannée [probablement feu de la Saint-Jean] qui fut magnifiquement fait au milieu du fleuve de Gave et y était tout le long de la dite rivières des baleines, dauphins, tortues, sirènes toutes contrefaites en artifice de feu, qui fut un grand plaisir. Ils rentrent vers 2 heurs du matin ». Une illustration de ces fêtes, a été réalisée par Antoine Caron, peintre et illustrateur français du XVIe siècle. Le dessin préparatoire qu’il a réalisé a servi à la production d’une tapisserie qui se trouve à la Galerie des Offices de Florence. Quelques siècles plus tard, le fleuve se pare de nouveau pour célébrer l’arrivée du président Poincaré. Nous sommes en 1913. À l’instar des rois, il voyage à travers la France. Après être passé à Mont-de-Marsan et Dax, il arrive à Bayonne où il est accueilli par un cortège de bateaux pavoisés, du plus petit au plus grand.
La magie de l’eau continue d’exercer aujourd’hui ses pouvoirs sur l’Homme. Le fleuve inspire, attire… Peintres, chansonniers et poètes incitent l’esprit à voyager sur ce fleuve dans les mots et les couleurs. Tout un chacun sait puiser, dans son rythme alternatif des marées, ses bouillonnements impressionnants ou ses eaux miroir(s), ce dont il a besoin.
Depuis 1358 une charte royale anglaise accorde à Peyrehorade le droit de tenir marché et foire ; à la fin du siècle suivant, par lettres patentes, Charles VII confirme ce droit. Depuis, Peyrehorade dispose d’un marché par semaine et de deux foires annuelles.
Urt, que l'on appelle Ahurti en basque, est une localité située sur la rive gauche de l'Adour. Proche de Bayonne, sa population a fourni de nombreuses générations de marins au port voisin. Urt possède en son église de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie un ex-voto de taille remarquable, oeuvre du charpentier de marine Jean-Baptiste Lamagdelaine. L'oeuvre a été réalisée à la fin du XIXe siècle et représente un navire trois-mâts carré avec brigantine. Il est fabriqué sur lattes. La coque est de couleur noire, blanche et marron au-dessus de la ligne de flottaison, et est percée de sabords; les oeuvres vives sont quant à elles de couleur rouge et noire. La proue est ornée de dessins et les lettres "BL" y sont inscrites (lettres s'apparentant au prénom et nom du concepteur de la maquette).
Après avoir été porté du centre du village au bord de l’Adour, l’ex voto est embarqué pour la bénédiction (1927).
Un vitrail de l'église où apparaissent les armoiries de la ville et portant l'inscription "Jetez les filets" montre des pêcheurs dans une barque, apportant ainsi la preuve que Urt était bien une ville de marins.
Les auteurs
Dans le cadre de l’exposition « Adour, d’eau et d’hommes » présentée aux Archives départementales des Landes, un conseil scientifique composé de deux historiennes et d’un géographe a été retenu afin de rédiger une synthèse autour de trois grandes thématiques que sont « La ressource », « Le courant » et « Le chemin de l’eau » dans lesquelles vous aurez plaisir à découvrir de nombreux chapitres sur l’histoire du fleuve Adour.
Les Archives départementales, la direction de la culture et du patrimoine ainsi que le Conseil départemental des Landes tiennent à adresser leurs remerciements aux différents auteurs pour la qualité de leurs textes
- Madame Chantal Boone est docteur en histoire contemporaine (Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris) et spécialiste en histoire de la médecine et des sciences biologiques au XIXe siècle. Professeur en immunologie puis en histoire et géographie, elle a été enseignante au service éducatif des Archives départementales des Landes. Retraitée de l’Education nationale, elle est l’auteur de deux ouvrages, Léon Dufour (1780-1865), savant naturaliste et médecin et Hommes de sciences dans les Landes aux XVIIIe et XIXe siècles et codirectrice de publication des Actes du colloque Herbiers, trésors vivants.
- Docteur en histoire (Université de Pau et des Pays de l’Adour), madame Sophie Lefort-Lehmann est spécialiste du patrimoine fluviomaritime. Enseignante en tourisme, histoire et patrimoine à Bayonne, elle occupe le poste de médiatrice culturelle pour le Pôle Patrimoine et l’Office de tourisme de la Ville de Bayonne. Elle est également l’auteur d’articles dans les revues Historia et Arcades.
- Agrégé de géographie, monsieur Jean-Jacques Fénié a enseigné la géographie et la géopolitique du monde contemporain en CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) à Pau, puis à Bordeaux. Membre du conseil scientifique de l’exposition « Adour, d’eau et d’hommes », il est l’auteur de nombreuses publications dont le Dictionnaire des pays et provinces de France co-écrit avec son épouse Bénédicte Fénié, L’invention de la Côte d’Argent suivi du Vocabulaire de la Côte d’Argent, etc. Il est membre de la Société de Borda et correspondant de presse pour le journal Sud-Ouest où il assure aussi la rubrique hebdomadaire Parlam gascon.
Les Archives départementales remercient également tout particulièrement l’Institution Adour ainsi que son Président, Paul Carrère et Aurélie Darthos, directrirce générale des services techniques pour leurs investissements, disponibilités et l’écriture de la dernière partie de cette publication de synthèse.