L'Adour, suivre le fleuve

Sources

L’Adour comme les Gaves ont en commun de prendre source dans les hauts massifs des Pyrénées centrales où les précipitations (enneigement hivernal, pluies orageuses et nébulosité fréquente) contribuent largement à les alimenter. Cependant, la plupart des affluents de l’Adour ou de ses sous-affluents de quelque importance sont en fait des rivières de plaine, ne prenant tout au plus leur source que sur les coteaux de l’Armagnac (la Douze, le Midou) ou du Béarn (le Louts, le Bahus, le Luy, les Arrigans).

Confluences

Multiples sont évidemment les lieux de confluence, lieu de jonction de deux éléments du réseau hydrographique dans le bassin de l’Adour. La densité de ce réseau, liée à la structure géologique et à la diversité géomorphologique, engendre quelques différences. Elles dépendent de l’altitude, des matériaux traversés par les affluents, du régime climatique et de ses nuances faites d’épisodes plus ou moins intenses d’enneigement, de pluies orageuses abondantes ou bien de longs étiages.

Après la plaine de Tarbes commence la longue courbure du fleuve dans sa partie moyenne. Dans cet assez long segment, le cours du fleuve est parfois anastomosé. C’est-à-que le chenal d’étiage sinue à l’intérieur du lit apparent, allant d’une berge à l’autre. Il peut de la sorte se diviser en bras plus ou moins nombreux, en forme de tresse, laissant apparaître bancs de galets ou cailloux roulés (lieux-dits calhavar, glèra…), de graviers, ou bien étendues de sables ou de limons. Dans le détail, cela influe sur l’aspect des confluences. D’une manière générale, force est de rappeler cependant que l’Adour reçoit plus d’affluents de rive gauche que d’apports de rive droite. L’étendue sablonneuse du plateau landais explique en grande partie cette dissymétrie. Deux grandes confluences (avec la Midouze et avec les Gaves réunis) et la rencontre du fleuve avec le Golfe de Gascogne sont, outre le site primitif de Mont-de-Marsan (confluence de la Douze avec le Midou), les lieux de jonction les plus emblématiques.

Crues et étiages

L’eau du ciel tombe sous différentes formes : solide la glace, la pluie liquide, gazeuse la brume ; au sol elle s’infiltre pour constituer nappes et courants souterrains qui ressurgissent à l’air libre ; elle ruisselle et, de ruisseau en rivière, devient fleuve qui rejoint la mer ou l’océan. Sur terre ou sur mer, l’évaporation la fait retourner au ciel. Les êtres vivants, végétaux et animaux, s’intègrent dans ce cycle par l’évapotranspiration indispensable à leur survie. L’abondance de la ressource d’un cours d’eau, ru ou fleuve, est donc d’abord une histoire, locale et planétaire, dépendante des différents facteurs qui fondent le climat et qui, complexes, sont tout à la fois d’ordre naturel et anthropique. Cette abondance, qu’on peut évaluer à l’aide du débit en m³/ s, est marquée d’abord par son irrégularité tant dans l’espace que dans le temps. Dans l’espace, l’augmentation progressive du débit moyen sur le tracé de l’Adour est due aux apports d’eau des différents affluents.

Barthes et saligues

Milieu naturel des bords de l’Adour, les barthes qui s’étendent sur plus de 12 000 hectares, sont intimement liées à l’histoire humaine. Cet espace a été aménagé afin de tenter de stabiliser le lit de l’Adour face à la menace des crues et pour en accroître la superficie agricole. Parfois, les informations météorologiques évoquent les inondations « dans les Landes ». En fait, il s’agit la plupart du temps des crues recouvrant la vallée de l’Adour ou celle de ses principaux affluents (Midouze, Luy…) dans la partie moyenne du fleuve, approximativement de Saint-Sever ou Mugron jusqu’à la confluence avec les Gaves Réunis. C’est la région des barthes. Plus en amont et plus sauvages, existent aussi les saligues, au long de l’Adour et des Gaves.

Iles et îlots

Bancs de graviers, de galets ou de sables, îlots et îles ponctuent dès l’amont, le cours de l’Adour ou des Gaves. Ces portions de terre ceintes par de l’eau douce sont « enfantées » par le cours d’eau. Ils naissent parfois “d’une simple branche qui, arrêtée par un petit banc de sable se fixe dans la vase. Chaque inondation apporte de nouvelles alluvions, de nouvelles semences, le banc de sable devient bois de saules ou de peuplier” (« Histoire d’un ruisseau », 1869, Elisée Reclus). L’Homme s’en empare, poussé par la curiosité et l’imaginaire. Familiarisé à ce nouvel espace entre deux rives, il le conquiert, l’exploite, lui donne un nom, parfois issu de l’usage qu’il en fait, l’île aux vaches, l’île aux moutons.

1- « Plan du cours de l'Adour, depuis Dax et autres jusqu'au Boucau », 1612. © Médiathèque de Bayonne C 384 FR 1 2
1- « Plan du cours de l'Adour, depuis Dax et autres jusqu'au Boucau », 1612. © Médiathèque de Bayonne C 384 FR

Cette carte manuscrite date de l’extrême fin du XVIème siècle, soit à peine deux décennies après le départ de l’Adour vers Bayonne. Cette aquarelle permet de localiser le bassin de l’Adour depuis la Chalosse jusqu’à l’océan ainsi que l’ancien lit de l’Adour à l’Ouest qui se dessine nettement, longeant le littoral. Ce document constitue une rare représentation du cours aval de l’Adour avec ses îles et îlots ponctuant le fleuve entre le Bec du Gave en amont (à droite de la carte) et l’embouchure.

2- « Ile de Berens sur l'Adour, près Bayonne », lithographie de Benard et Frey, Bichebois del., [1801-1850]. AD 40, 6 FI 102 2 2
2- « Ile de Berens sur l'Adour, près Bayonne », lithographie de Benard et Frey, Bichebois del., [1801-1850]. AD 40, 6 FI 102

Située entre Urt et Saint-Barthélémy, l’île de Berens témoigne d’un habitat ancien et dont l’histoire raconte qu’elle fut le lieu d’accueil des fêtes somptueuses données lors du séjour de Charles IX et de sa mère Catherine de Médicis en 1565 (même si le banquet avait été donné sur l’île de Lahonce ou de Roll, plus près de Bayonne), et certainement en 1808, du déjeuner de Napoléon.

La maison de maître de Bérens a été reconstruite vers 1825 sur l’île qui lui donne son nom. Ses nombreuses dépendances agricoles témoignent du dynamisme économique de la propriété au début du XIXe siècle. Protégée des eaux du fleuve par un pourtour de pierre, l’île est drainée par un système de canaux d’assainissement. Les bâtiments de la maison de maître, en moellons de calcaire enduits, sont surélevés sur des pilotis. Outre une grange, un fenil, une étable et une écurie, les dépendances abritent une bergerie, une porcherie, un séchoir à maïs, une orangerie, une faisanderie, un vivier, une forge et un four à pain.

La propriété possède également une chapelle privée et un verger. Dépendant de la maison de maître de Bérens et érigée vers 1863 dans la cour, à l’emplacement d’un bâtiment construit en 1699, la chapelle de l’Immaculée Conception est l’œuvre de l’architecte Charles Besoin.

Méandres

Au sens géographique, le terme méandre vient du nom d’un fleuve d’Asie mineure. Schématiquement, la sinuosité d’un méandre oppose la rive ou berge concave (creusée par l’érosion due à la force du courant) à la rive convexe de l’intérieur de la courbe, « engraissée » par la sédimentation. Cependant, dans certains secteurs, les courbures et changements de direction sont dictés en partie par les fractures structurelles liées à la tectonique du massif ou bien aux dépôts morainiques laissés par les dernières glaciations. C’est le cas des segments proches de la zone pyrénéenne pour le bassin de l’Adour…

Embouchure

Après avoir parcouru plus de 300 kilomètres et traversé plusieurs territoires, l’Adour, se jette aujourd’hui dans l’océan au Boucau Neuf, à six kilomètres à l’ouest de la ville de Bayonne, entre les communes de Tarnos au nord et d’Anglet au sud. Ce boucau (bocau en gascon), est une embouchure artificielle précédée d’un canal creusé sous la conduite de l’ingénieur Louis de Foix en 1578. Le percement de cette nouvelle ouverture sur le Golfe de Gascogne est la conséquence d’une triple volonté : fixer l’embouchure naturelle qui se déplaçait depuis plusieurs siècles ; assurer la position de Bayonne en tant que port ; maintenir sa domination sur le commerce fluvial. Pendant des siècles, l’embouchure de l’Adour s’est déplacée naturellement du sud au nord et a connu de nombreuses obstructions par les sables. Les sources historiques divergent cependant sur la datation de ces déplacements successifs…

Les auteurs

Dans le cadre de l’exposition « Adour, d’eau et d’hommes » présentée aux Archives départementales des Landes, un conseil scientifique composé de deux historiennes et d’un géographe a été retenu afin de rédiger une synthèse autour de trois grandes thématiques que sont « La ressource », « Le courant » et « Le chemin de l’eau » dans lesquelles vous aurez plaisir à découvrir de nombreux chapitres sur l’histoire du fleuve Adour.

Les Archives départementales, la direction de la culture et du patrimoine ainsi que le Conseil départemental des Landes tiennent à adresser leurs remerciements aux différents auteurs pour la qualité de leurs textes

  • Madame Chantal Boone est docteur en histoire contemporaine (Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris) et spécialiste en histoire de la médecine et des sciences biologiques au XIXe siècle. Professeur en immunologie puis en histoire et géographie, elle a été enseignante au service éducatif des Archives départementales des Landes. Retraitée de l’Education nationale, elle est l’auteur de deux ouvrages, Léon Dufour (1780-1865), savant naturaliste et médecin et Hommes de sciences dans les Landes aux XVIIIe et XIXe siècles et codirectrice de publication des Actes du colloque Herbiers, trésors vivants.
  • Docteur en histoire (Université de Pau et des Pays de l’Adour), madame Sophie Lefort-Lehmann est spécialiste du patrimoine fluviomaritime. Enseignante en tourisme, histoire et patrimoine à Bayonne, elle occupe le poste de médiatrice culturelle pour le Pôle Patrimoine et l’Office de tourisme de la Ville de Bayonne. Elle est également l’auteur d’articles dans les revues Historia et Arcades.
  • Agrégé de géographie, monsieur Jean-Jacques Fénié a enseigné la géographie et la géopolitique du monde contemporain en CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) à Pau, puis à Bordeaux. Membre du conseil scientifique de l’exposition « Adour, d’eau et d’hommes », il est l’auteur de nombreuses publications dont le Dictionnaire des pays et provinces de France co-écrit avec son épouse Bénédicte Fénié, L’invention de la Côte d’Argent suivi du Vocabulaire de la Côte d’Argent, etc. Il est membre de la Société de Borda et correspondant de presse pour le journal Sud-Ouest où il assure aussi la rubrique hebdomadaire Parlam gascon.

Les Archives départementales remercient également tout particulièrement l’Institution Adour ainsi que son Président, Paul Carrère et Aurélie Darthos, directrirce générale des services techniques pour leurs investissements, disponibilités et l’écriture de la dernière partie de cette publication de synthèse.

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