L'Adour, suivre le fleuve
L'Adour, suivre le fleuve
Sommaire
Sources
L’Adour comme les Gaves ont en commun de prendre source dans les hauts massifs des Pyrénées centrales où les précipitations (enneigement hivernal, pluies orageuses et nébulosité fréquente) contribuent largement à les alimenter. Cependant, la plupart des affluents de l’Adour ou de ses sous-affluents de quelque importance sont en fait des rivières de plaine, ne prenant tout au plus leur source que sur les coteaux de l’Armagnac (la Douze, le Midou) ou du Béarn (le Louts, le Bahus, le Luy, les Arrigans).
Le fleuve Adour naît dans les Pyrénées centrales, en Bigorre. Des torrents – la plupart appelés ador dans la Vallée de Campan – l’alimentent. Prenant naissance à plus de 2000 m d’altitude, l’Adour du Tourmalet et celle d’Arizes forment l’Adour de Gripp. Laquelle est rejointe par l’Adour de Payolle qui, descendue des abords du col d’Aspin, se forme à partir de 1400 m. À Baudéan, l’Adour de Lesponne apporte aussi ses eaux au fleuve naissant qui, à ce stade, n’est encore que torrent et descend vers Bagnères-de-Bigorre puis la plaine de Tarbes.
Le nom primitif de l’Adour, Atur, est repris, dans textes ou inscriptions antiques, dans la désignation du chef-lieu de cité que le fleuve arrose, Aire (-sur-Adour), littéralement “Atura villa” ou “domaine de l’Adour” ou “domaine bordant l’Adour”.
Dans cette zone montagnarde se repèrent aussi plusieurs termes reflétant l’abondance des eaux suintant des pelouses d’altitude ou jaillissant des rochers en fonction des saisons : Hount Nègre, Garet, Goutille ou Goutil, Picharotte…
Puissants contributeurs du Bas-Adour en aval de Peyrehorade, le Gave de Pau, le Gave d’Ossau et celui d’Oloron ont une appellation ayant un lien avec le milieu très minéral, de haute altitude, dans lequel ils se forment. Le nom même de « gave » vient en effet de la très vieille racine gal- ou gar- (variantes : cal- ou kal-, « pierre »). Elle se retrouve dans le nom même du lac de Gaube dont les eaux rejoignent le Gave du Marcadau en amont de Cauterets, dans celui de petits affluents de l’Adour de Payolle (la Gaoube, la Gaubolle) ou la Gaube qui, bien aval dans le bassin de l’Adour, est un modeste affluent du Midou.
Dans cette partie du bassin aquitain, dont la dénomination géographique vient de l’appellation latine Aquitania – littéralement « pays des eaux », celui de la cité d’Aquae (Dax) – quels sont les noms les plus courants désignant rivières ou ruisseaux ?
Tout d’abord, arriu (du latin rivus), qu’on retrouve par exemple dans l’Arrioussus à Hiis (Hautes-Pyrénées) qu’il faut comprendre comme arriu sús, « ruisseau [venant] d’en haut », ou bien, en aval de Riscle, dans l’Arrioutor (arriu tòrt, « ruisseau sinueux »).
Ensuite, ribèra ou arribèra a même déterminé un segment entier de la vallée de l’Adour, au nord des Hautes-Pyrénées, le pays dit « de Rivière-Basse » (Ribèra Baisha) que l’on retrouve accolé à plusieurs toponymes (Castelnau-Rivière-Basse, Labatut-Rivière ou Ladevèze-Rivière).
Les tout petits ruisseaux sont parfois appelé arrolha, notamment dans les grandes barthes de Port-de-Lanne ou d’Orthevielle.
Caractéristique de la montagne béarnaise et de son piémont au sens large, existe aussi le terme arrec ou arric. En dérive ainsi l’hydronyme arrigan, présent en Chalosse, non loin de Pouillon, Mimbaste ou Estibeaux.
Formé sur aestus, « flux de la mer », le latin aestuarium, à l’origine des mots « estuaire » et « étier » (canal d’écoulement naturel dans un marais), donne les mots estèr ou estèir: les Estès à Toulouzette, le ruisseau de Lesteyrole (l’Estèiròla) à Téthieu, ou les « esteys » drainant les barthes du Bas-Adour.
Spécifique à l’aire gasconne, le vieil hydronyme ossa est assez répandu. Quelques exemples : l’Oussouet (affluent de l’Adour en aval de Bagnères-de-Bigorre), l’Ousse (affluents du Gave à Pau) ou l’Ousse des Bois qui traverse les anciennes landes du Pont-Long, aujourd’hui urbanisées, au nord de la capitale béarnaise. Dans la partie orientale des Landes de Gascogne, la commune de Losse est située sur … la Losse, petit affluent de l’Estampon.
Enfin, concernant la zone linguistique basque, trois affluents de rive gauche de l’Adour doivent être signalés.
L’Aran, dépassant à peine les 48 km, naît au pied du Baigura à Heraitze (Hélette) pour rejoindre l’Adour à Urt. Son cours sinueux passe notamment par La Bastide-Clairence. Après avoir longé le site où est édifiée l’abbaye de Belloc, le cours d’eau finit dans les terres basses des barthes où, curieusement, sur la carte, il devient la « Joyeuse ». Vieil élément du lexique pyrénéen, aran signifie « vallée ».
L’Ardanavy conflue avec l’Adour sur le territoire d’Urcuit, au milieu des barthes. Sur la carte IGN, on voit même qu’il sépare partiellement une ancienne île aujourd’hui rattachée à la terre ferme. Une vingtaine de kilomètres en amont, la rivière est issue des landes d’Hasparren, à plus de 100 mètres d’altitude parfois, d’où s’écoulent plusieurs petits ruisseaux. Ardanavy peut se comprendre comme une noue, sorte de marre (nauda, voire nausa ou navia en gascon), au milieu des vignes (ardo en euskara).
La Nive (Errobi en euskara) rejoint le fleuve à Bayonne, au cœur même de la cité, et joue un rôle certain pour donner sa puissance au dernier segment de l’estuaire. Longue de 78 kilomètres, la rivière naît en Basse-Navarre, dans le Pays de Cize (Garazi), sur la commune d’Esterençuby.
L’intérêt du cliché est double. D’une part, il donne une bonne idée du milieu montagnard presque intact des environs de la station de Barèges au début du XXème siècle. L’éditeur n’est pas à une coquille près, qui parle du ruisseau d'Escoubous (probablament deths combas) et du “Néouvieile”... Les aménagements ultérieurs de l’ère de “l’or blanc” n’ont pas encore implanté téléskis et télésièges sur les estives. D’autre part, on constate que la route menant au Tourmalet existe. Profitant du beau temps, d’intrépides automobilistes s’y aventurent. La pente interminable et régulière au milieu des estives va devenir dans peu d’années un endroit popularisé par les échos du Tour de France cycliste avec ses “géants de la route” endurant volontairement le martyr au passage des cols pyrénéens.
Important contributeur du Bas-Adour, le Gave de Pau est ici au sortir de l’étroit défilé venant du bassin de Luz-Saint-Sauveur. Au sud l’imposante masse “triangulaire” du Viscos (2139m). Le torrent, dont le lit anastomosé est encombré de galets, entre dans la partie plane du pays du Lavedan, un nom qui, entre Pierrefitte-Nestalas et Agos-Vidalos, apparaît dès le IXème siècle (in pago Lavetanense, vers 860 dans le Livre vert de Bénac). Lavetania ou Levitania est peut-être formée sur le nom d’un ancien peuple.
Descendu des pentes nord-est du Pic du Midi de Bigorre, l’Adour d’Arizes est un torrent qui rejoint l’Adour de Gripp. La végétation rase et les rochers ne surprennent pas à cette altitude. Le pont d’Arizes se trouve vers les 1300 mètres d’altitude sur la route du col Tourmalet (2 115 m). Peu aménagée au début du XXe siècle, c’est pourtant un vieil itinéraire. Dès la fin du XVIIe siècle et bien avant sans doute, les voyageurs l’empruntent pour aller prendre les eaux à Barèges, sur l’autre versant du col (vallée du Bastan ou ruisseau d’Oncet, affluent du Gave de Gavarnie ou Gave de Pau). Acccéder aux vallées du Pays Toy ou País Tòi (communes de Barèges, Gavarnie-Gèdre, Luz-Saint-Sauveur et autres) n’était alors pas facile, vu l’étroitesse et les difficultés du chemin suivant le Gave de Pau et passant par le Pont d’Enfer. La carte postale montre deux distingués touristes, à l’évidence peu équipés pour la haute montagne. Ils semblent songeurs devant les eaux du torrent et la puissance imposante du Pic du Midi dont on parle d’autant plus depuis qu’un observatoire a été installé à l’initative du général Charles Dubois de Nansouty (1815-1895) et de l'ingénieur Célestin-Xavier Vaussenat (1831-1891).
Fond plat, élargissement notable, modelé glaciaire, blocs grossiers et épandage de galets : c’est la vallée du Gave de Marcadau. Lui-même formé de petits torrents descendus des massifs de la Grande Fache (3005 m) ou du Grand Pic de Péterneille (2762 m), c’est – avec les gaves descendus du massif voisin du Vignemale – un des contributeurs du Gave de Pau, puissant affluent de l’Adour, bien loin en aval. Le terme de “plateau” de Cayan est curieux puisque, si la topographie est bien plane, ce n’est pas – au strict sens géographique – un plateau (zone plus ou moin plate mais surtout élevée, en position “dominante”). L’appellation Marcadau, “lieu où se tient le marché”, renvoie aux échanges et au commerce se faisant jadis avec l’Aragon (vallée de Panticosa) dans le contexte des contrats dits de lias e patzerias entre communautés pastorales des deux versants des Pyrénées. Au début du XXIe siècle, la vallée du Marcadau est beaucoup plus fréquentée par randonneurs ou adeptes de la glisse hivernale (raquettes, ski de fond) que par les maquignons et autres marchands évoqués dans Vita-vitanta (1937) par l’écrivain Miquèu de Camelat (1871-1962), d’Arrens-en-Lavedan, l’un des fondateurs de l’Escòla Gaston Febus et de la revue Reclams.
D’accès relativement facile à partir du Pont d’Espagne dans la vallée du Gave du Marcadau à Cauterets, le lac de Gaube est de grande célébrité touristique. Dès l’époque romantique, les voyageurs épris de nature sauvage et grandiose viennent admirer ce lac glaciaire, fermé par un verrou rocheux, alimenté par les eaux dévalant des pentes élevées du massif du Vignemale. À 1725 m d’altitude, c’est déjà un paysage de haute montagne au sein du Parc national des Pyrénées, institution protectrice de l’espace naturel créée en 1967.
À 1 200 ou 1 500 m d’altitude, un peu au-dessous de la station de la Mongie, l’Adour serpente au milieu des estives, pâturages d’altitude ou « alpages », correspondant à l’étage de la prairie alpine sur lesquels les troupeaux viennent passer la belle saison. C’est déjà un milieu de haute-montagne dont, en hiver, les « champs de neige » font le bonheur des skieurs
Dans ce segment de la vallée de Campan dont on aperçoit les pentes derrière le rideau des arbres, l’Adour de Payolle, descendue du col d’Aspin, se joint à l’Adour de Gripp, arrivée du Tourmalet. Peut-être pris du côté de la Séoube ou de Sainte-Marie-de-Campan, le cliché montre le fleuve qui n’est encore qu’un torrent encombré de rochers.
Impressionnante et changeante d’aspect au gré des saisons, la cascade d’Arizes se situe dès le premier lacet de la route montant vers la Mongie et le col du Tourmalet, après le hameau d'Artigues-Gripp. Descendue des pentes nord-est du Pic du Midi de Bigorre, l’Adour d’Arizes est un torrent qui rejoint l’Adour de Gripp. Le tourisme thermal – à Bagnères-de-Bigorre ou même pour aller prendre les eaux à Barèges, dès la fin du XVIIe siècle – a vite rendu célèbre ce site. En effet, quand il ne déambule pas sur la promenade des Coustous ou du vallon du Salut, le curiste peut faire une petite excursion le menant au col d’Aspin ou vers le Tourmalet. Au passage il s’émerveille en admirant cette cascade jadis appelée “de Tramesaigues”. S’il est lettré, quelques vers fameux du “Cor”, (1825), d’Alfred de Vigny, lui reviennent peut-être :
“Ô montagne d’azur ! ô pays adoré ! Rocs de la Frazona, cirque du Marboré, Cascades qui tombez des neiges entraînées, Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées...”
Confluences
Multiples sont évidemment les lieux de confluence, lieu de jonction de deux éléments du réseau hydrographique dans le bassin de l’Adour. La densité de ce réseau, liée à la structure géologique et à la diversité géomorphologique, engendre quelques différences. Elles dépendent de l’altitude, des matériaux traversés par les affluents, du régime climatique et de ses nuances faites d’épisodes plus ou moins intenses d’enneigement, de pluies orageuses abondantes ou bien de longs étiages.
Après la plaine de Tarbes commence la longue courbure du fleuve dans sa partie moyenne. Dans cet assez long segment, le cours du fleuve est parfois anastomosé. C’est-à-que le chenal d’étiage sinue à l’intérieur du lit apparent, allant d’une berge à l’autre. Il peut de la sorte se diviser en bras plus ou moins nombreux, en forme de tresse, laissant apparaître bancs de galets ou cailloux roulés (lieux-dits calhavar, glèra…), de graviers, ou bien étendues de sables ou de limons. Dans le détail, cela influe sur l’aspect des confluences. D’une manière générale, force est de rappeler cependant que l’Adour reçoit plus d’affluents de rive gauche que d’apports de rive droite. L’étendue sablonneuse du plateau landais explique en grande partie cette dissymétrie. Deux grandes confluences (avec la Midouze et avec les Gaves réunis) et la rencontre du fleuve avec le Golfe de Gascogne sont, outre le site primitif de Mont-de-Marsan (confluence de la Douze avec le Midou), les lieux de jonction les plus emblématiques.
Photographié depuis le pont du Commerce (pont des Droits de l’Homme aujourd’hui), le site de la confluence entre Douze, à gauche sur le cliché, et le Midou, à droite, vaut au chef-lieu départemental le surnom de « Ville aux trois rivières ». En effet, passé les deux chutes d’eau, artificielles, de part et d’autre d’un site longtemps utilisé comme minoterie, la coutume est de nommer Midouze la rivière qui, après une quarantaine de kilomètres, rejoint l’Adour entre Audon et Bégaar. Douze et Midou (ou Midour) naissent toutes deux dans les collines de l’Armagnac. La portion du site qu’on aperçoit dans le cadre de l’arche est bien l’extrémité de l’éperon qui servit à la famille des comtes de Marsan pour établir une petite place forte au XIIe siècle. Au premier plan, la rive gauche de la Midouze fut longtemps le port très actif de Mont-de-Marsan en liaison avec lequel se développa la ville neuve. C’est actuellement ce qui est appelé la « Cale de l’Abreuvoir » et qui a été aménagé en promenade.
Orientée vers l’est (le haut de la photo), cette vue aérienne montre la confluence de la Midouze avec l’Adour. La pointe effilée de terre, en partie boisée, est l’extrémité du territoire communal d’Audon. À droite du cliché, c’est le territoire de Vicq-d’Auribat, partiellement recouvert d’arbres qui, en un sens, annoncent l’intérêt économique qui a été reconnu après 1980 aux chênaies de l’Adour. La partie gauche de l’image correspond à la portion ouest de Bégaar ; la lisière boisée le long de la Midouze se trouve sur une levée de terre édifiée au milieu du XIXe siècle, sur des riches terres alluviales constituées de sédiments de la rivière et du fleuve. Datant des années 1950, ce cliché permet de voir qu’alors les bâtiments agricoles (métairies de Toulon, de Lataste…) sont utilisés et que les méthodes ancestrales de culture sont encore en vigueur : les grandes meules de paille, de foin ou plus vraisemblablement d’ajoncs (tojas ou jaugas) servant à la litière (sostre) et à l’amendement des champs sont bien présentes. À peine en amont de cette confluence avec l’Adour, entre Audon et Bégaar, la microtoponymie révèle en bordure de Midouze un lieu-dit Remoulin (arremolin ou remolin, « remous, tournoiement d’eau ») qui est probablement une allusion au caractère périlleux de ce secteur pour les bateliers de jadis. La collection LAPIE est constituée de 20 tirages photographiques noir et blanc de vues aériennes obliques, relatifs au département des Landes. Ces vues, à vocation pédagogique, à l'attention des enseignants, comportent bien souvent une légende imprimée au dos, donnant des informations sur le milieu naturel, les activités humaines (économiques et agricoles) et l'évolution urbaine des sites survolés et photographiés. Cet ensemble de tirages constitue un témoignage intéressant de l'aménagement du territoire landais dans les années 1950 et permet d'en comprendre son évolution.
La photo aérienne, orientée vers le nord-ouest (en haut), est prise dans l’axe de l’Adour, dans un de ses derniers méandres. Sur la rive droite, convexe ici, c’est le lieu-dit Horgave (commune de Sainte-Marie-de-Gosse) qui, logiquement, devrait s’écrire horc gave, « fourche [au sens de confluence] du gave ». En face (rive gauche), c’est le Bec-du-Gave à Port-de-Lanne, où se rencontrent l’Adour et les Gaves Réunis, au milieu des barthes. La différence de couleur des eaux est manifeste. Vaguement rougeâtres, sans doutes turbides, celles de l’Adour traduisent leur ralentissement dû à la faible pente du lit, engendrant tant de saligues et de barthes depuis la « lointaine » plaine de Tarbes, et à l’apport des rivières ayant traversé les terres plus ou moins argileuses de l’Armagnac (Douze et Midouze) ou de l’ensemble Tursan-Chalosse (Bahus, Louts, Luy). La remontée légèrement sensible de la marée est un autre élément d’explication. À l’opposé, l’apport puissant des Gaves, descendus des sommets, se repère à des eaux plus claires.
Face à la fameuse barre, guidée par les jetées assez périlleuses pour les navires, la photo montre lo bocau (l’embouchure) de l’Adour. En effet, après le détournement du fleuve en 1578 qui fait arriver les eaux du fleuve entre Anglet et Tarnos, les Bayonnais ont enfin leur Bocau Nau qui délaisse et voue à un autre destin et lo Bocau Vielh (la station balnéaire landaise de Vieux-Boucau) ou le « Boucau de diou » (lo Bocau de Diu), Capbreton. Le percement de l’embouchure s’est fait, contre vents et marées, à travers le cordon sablonneux et instable de la côte. Il se repère à gauche (territoire de Tarnos) et à droite, sur la commune d’Anglet dont on voit la plage (la Barre, Chiberta), l’hippodrome et le vaste pinhadar.
En haut, sur la rive droite de l’ultime méandre de l’Adour, se situent deux éléments qui comptent dans l’histoire du lieu : la zone basse où le fleuve infléchissait son cours pour remonter vers Capbreton (lieu-dit Trossoat) ; les installations industrielles de Tarnos et du Boucau, ou ce qu’il en reste, c’est-à-dire les vestiges des « Forges de l’Adour », unité industrielle qui fonctionna de 1883 jusqu’au démantèlement et à la reconversion du site en 1962-1965. On repère ainsi quelques cargos, minéraliers ou autres, accostés en rive droite et, dans le lointain, l’église de la cité des forges à Tarnos émergeant de l’habitat ouvrier des anciens « métallos ». Sur la rive gauche, apparaissent les hautes structures de la zone industrielle de Blancpignon à Anglet qui, à partir des années 1960, réceptionne le soufre venu du gisement gazier de Lacq.
Crues et étiages
L’eau du ciel tombe sous différentes formes : solide la glace, la pluie liquide, gazeuse la brume ; au sol elle s’infiltre pour constituer nappes et courants souterrains qui ressurgissent à l’air libre ; elle ruisselle et, de ruisseau en rivière, devient fleuve qui rejoint la mer ou l’océan. Sur terre ou sur mer, l’évaporation la fait retourner au ciel. Les êtres vivants, végétaux et animaux, s’intègrent dans ce cycle par l’évapotranspiration indispensable à leur survie. L’abondance de la ressource d’un cours d’eau, ru ou fleuve, est donc d’abord une histoire, locale et planétaire, dépendante des différents facteurs qui fondent le climat et qui, complexes, sont tout à la fois d’ordre naturel et anthropique. Cette abondance, qu’on peut évaluer à l’aide du débit en m³/ s, est marquée d’abord par son irrégularité tant dans l’espace que dans le temps. Dans l’espace, l’augmentation progressive du débit moyen sur le tracé de l’Adour est due aux apports d’eau des différents affluents.
Dévalant de la montagne pour les affluents du département des Hautes-Pyrénées, descendus des collines coulant en plaine pour le département des Landes jusqu’au Bec de Gave, confluence avec les Gaves réunis qui, d’origine montagnarde, font considérablement augmenter le débit. Les affluents du Pays basque, notamment la Nive presque à l’embouchure, l’augmentent encore. Longueur et débit font de l’Adour un des dix premiers fleuves du territoire métropolitain mais très modeste à l’échelle planétaire.
Dans le temps, la quantité d’eau du fleuve varie. Au cours de l’année, ce sont des variations saisonnières avec un maximum pendant la saison froide en lien avec une pluviométrie importante et une absence d’évaporation, et un minimum estival lié à une pluviosité moindre et une évaporation importante. Ces grandes caractéristiques sont celles de tous les fleuves des milieux froids et tempérés. La dominante climatique de l’espace parcouru par l’Adour et ses affluents est océanique ; elle s’atténue très progressivement d’ouest en est et se renforce d’une forte influence montagnarde au sud.
Au début du XVIIIe siècle ont lieu les premiers relevés systématiques. À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, on utilise le limnigraphe qui enregistre de manière automatique les hauteurs d’eau dans les cours d’eau.
Les irrégularités dans un temps plus long peuvent se traduire par un excès ou un déficit de la ressource. Si l’excès se manifeste ponctuellement, il est souvent ressenti par les populations vivant dans le voisinage du fleuve comme un danger dont il faut se méfier ; le déficit est plus insidieux et ne provoque pas la même crainte. On retrouve ce ressenti dans les textes anciens qui évoquent souvent les crues et dans les différentes réglementations du XIXe siècle, qu’elles émanent du pouvoir local ou de l’État. Aujourd’hui, les institutions prennent en compte le risque de sécheresse avec la même attention que les inondations.
Les excès se traduisent par des crues d’importance variable et aux effets parfois dévastateurs. Le terme inondation recouvre d’ailleurs non seulement le phénomène lui-même mais aussi les conséquences locales : ruissellement, éboulement de terrain, coulée de boue. Les XVIIe et XVIIIe siècles sont marqués par des inondations fréquentes mais souvent localisées. Le XIXe siècle connaît une aggravation des phénomènes qui gagnent en fréquence et en intensité et tendent à se généraliser à l’ensemble du bassin versant. Au XXe siècle, si les années 1929-1937 sont une période de risques accrus localement, la crue de 1952 est une crue qui se généralise à l’ensemble du bassin. On trouve donc deux types d’inondations : celles qui ont des conséquences très localisées tant dans la zone de montagne (Adour, Gaves et Saison) que dans la plaine et sur le littoral ; et celles qui ont des conséquences sur l’ensemble du bassin versant.
Les crues généralisées peuvent se produire au début de l’été (comme celle de juin 1875 provoquée par d’abondantes précipitations et la fonte des neiges) ou bien au cœur de l’hiver comme celle de février 1952 qui affecte non seulement le bassin de l’Adour mais aussi celui de la Garonne. Elle se produit après un début d’hiver très pluvieux ayant gorgé le sol, puis un froid vif qui a entraîné des précipitations neigeuses, surtout en montagne ; intervient un brusque changement de temps par rétraction de l’anticyclone : perturbations océaniques accompagnées de vents de nord-ouest bloqués par les reliefs et provoquant des pluies diluviennes sur le piémont et une remontée des températures entraînant une fonte des neiges. D’abord torrentielle dans les affluents de montagne, la crue se généralise et à proximité de l’océan, l’écoulement contrarié par l’action de la marée provoque des submersions à Bayonne. Cette crue est une crue centennale, c’est à dire ayant une probabilité de se produire une fois en 100 ans, ce qui d’ailleurs n’implique pas de périodicité. Les valeurs observées sont utilisées comme valeurs de référence.
Les crues localisées peuvent être des crues pyrénéennes ou des crues de plaine. En octobre 1837, Lourdes connaît une crue majeure à la suite de pluies qui touchent les hautes vallées des affluents du Gave de Pau et dans une moindre mesure celle du Saison, mais les conséquences de cette crue restent localisées à la zone de montagne du gave et de son affluent. Les dégâts sont importants : maisons inondées, ponts emportés, routes et chemins coupés à la suite d’éboulements, terres agricoles embourbées, gros et petit bétail perdus, infrastructures hydrauliques et industrielles endommagées, lieux de culte inondés dans la Cité mariale. Les crues de plaine sont provoquées par de fortes précipitations dans un contexte déjà pluvieux comme celui de la fin janvier 2014 ; la limite pluie-neige est alors assez basse ce qui retient l’écoulement sous forme de neige dans les zones de montagne et du piémont. Mais dans la plaine les sols sont saturés et l’augmentation des précipitations provoque des crues d’abord dans les sous-bassins de la Midouze et de l’Adour moyen puis à l’approche de la confluence à proximité de Tartas. L’eau alors s’étale largement dans la plaine et dans les barthes jusqu’à l’océan. La situation s’aggrave avec les grandes marées qui contrarient l’écoulement. Les dégâts sont matériels : digues submergées, maisons inondées, routes coupées et quais de Bayonne sous l’eau.
Le déficit en eau est évalué par l’étiage, débit minimal d’un cours d’eau. Si on se réfère à l’étude annuelle du débit de l’Adour, l’étiage moyen s’observe entre juillet et septembre. Certaines années, l’étiage peut être plus prononcé ou durer plus longtemps du fait d’une sécheresse météorologique. Jusqu’à une époque récente, les populations riveraines se préoccupaient peu de ce phénomène même s’il réduisait la circulation fluviale en limitant le tirant d’eau. On parlait d’ailleurs des « maigres d’été » qui risquaient de diminuer la force motrice des moulins en lien direct avec le débit. Dans la plupart des cas, le phénomène, s’il contrariait les projets n’était que passager et il fallait attendre qu’il cesse ; souvent c’était une question de jours.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, avec la mise en place d’une agriculture intensive, les surfaces irriguées et, donc les prélèvements ont augmenté considérablement. L’influence du réchauffement climatique se manifeste par des sécheresses récurrentes et des étiages plus prononcés et durant plus longtemps, impactant la vie de la faune et de la flore fluviales ainsi que les activités humaines.
Lors d’un litige engageant les meuniers du moulin de Sordes avec leur propriétaire, l’autorité judiciaire fait appel à des experts et en particulier à la station hydrologique de Peyrehorade pour mesurer la hauteur d’eau des Gaves Réunis et ses variations. Ce relevé de 1881 des hauteurs de l’eau en fonction du temps montre une variabilité importante en fonction des saisons ; ainsi janvier et février sont des mois de hautes eaux ainsi que mai et juin tandis qu’à partir de juillet on relève plutôt une période de basses eaux.
Le 16 décembre 1876, le service Inondation de la Préfecture des Landes rédige un tableau à l’attention d’une douzaine de communes, proches de Dax, riveraines de l’Adour. Cette affiche permet d’avertir la population des risques de crues dans ces communes une fois que l’inondation a atteint Pontonx-sur-l’Adour en amont. Les propriétaires sont ainsi appelés à la vigilance pour protéger leurs biens.
La crue qui détruit le pont de Tarbes le 23 juin 1875 est une crue provoquée par les pluies des 22, 23 et 24 juin 1875, « diluviennes » selon les contemporains. Accentuée par une importante fonte des neiges en ce début d’été, la crue touche l’ensemble du bassin versant de l’Adour.
Dès le samedi 2 février, les Aturins ont l’occasion d’observer la montée des eaux grâce à l’échelle du pont. D’après le témoignage des contemporains, le pont commence à trembler et le fracas des débris emportés par les eaux contre les piles devient de plus en plus fort. Le dimanche 3 février les différents quartiers riverains de l’Adour sont inondés. Les habitants de la Pologne sont évacués et dans le quartier de la Mestade il faut porter secours aux familles isolées. Une armada de barques dans les rues transporte les habitants chargés du ravitaillement pour leur quartier. La décrue commence le 5 février.
Les thermes de Préchacq-les-Bains, sont situés à proximité de l’Adour, en aval de la confluence avec la Midouze, dans une sorte de triangle formé par le fleuve, le ruisseau du Bahurat et celui de l’Arribon, et le Louts plus au sud, eux aussi en crue en cette fin de janvier 2014. L’établissement se retrouve dans une zone totalement inondée alors que l’établissement est fermé aux curistes puisque les mois de décembre, janvier et février sont traditionnellement une période de vacance. Quatre ans plus tard en 2018, c’est une crue de début d’été, l’établissement est plein et les curistes vont être évacués.
Barthes et saligues
Milieu naturel des bords de l’Adour, les barthes qui s’étendent sur plus de 12 000 hectares, sont intimement liées à l’histoire humaine. Cet espace a été aménagé afin de tenter de stabiliser le lit de l’Adour face à la menace des crues et pour en accroître la superficie agricole. Parfois, les informations météorologiques évoquent les inondations « dans les Landes ». En fait, il s’agit la plupart du temps des crues recouvrant la vallée de l’Adour ou celle de ses principaux affluents (Midouze, Luy…) dans la partie moyenne du fleuve, approximativement de Saint-Sever ou Mugron jusqu’à la confluence avec les Gaves Réunis. C’est la région des barthes. Plus en amont et plus sauvages, existent aussi les saligues, au long de l’Adour et des Gaves.
Curieusement transcrit avec un H en français, le terme occitan barta est très présent en Gascogne orientale et en zone languedocienne. Le vocable y désigne un « lieu où abondent les buissons, les fourrés », un « hallier ». Au cœur de la Chalosse la Grande Barthe de Juzanx, à cheval sur Castelnau-Chalosse et Pomarez, en bordure du Luy et traversée par l’Esté (estèr, « chenal d’écoulement ») en est un exemple. Mais c’est surtout dans la vallée de l’Adour que le paysage spécifique des « grandes barthes » occupe une grande partie des communes riveraines. Celles, bien sûr, de l’Adour maritime, partie aval du fleuve où la marée se ressent et où les aménagements à des fins agricoles – au XVIIIesiècle particulièrement – ont modifié le paysage du lit majeur. Avant ces travaux, les vasières estuariennes correspondaient sans doute à ce qu’on appelle aussi des prés-salés sur les littoraux normands, poitevins ou saintongeais.
Les suffixes occitans apportent maintes nuances dans la désignation de ces terres âprement conquises sur les milieux humides. Ainsi, avec le suffixe –às à valeur péjorative, l’augmentatif bartàs ou bartassa au féminin (Labartasse à Saint-Jean-de-Marsacq) se rencontre-t-il assez souvent. Il peut se conjuguer avec un diminutif (quartier du Barthassot dans l’ancien lit de l’Adour au Boucau). De même, le suffixe –èra (sens collectif) se retrouve dans les Barthères (las bartèras) à Riscle ou dans Labartère (la bartèra) à Castelnau-Rivière-Basse.
Les propriétés agricoles (métairies ou bòrdas) sont parfois désignées selon leur position sur la terre aménagée. Par exemple, Pébarthe (Saubusse, Rivière-Saas-et-Gourby) se compend comme « au pè [de la] barta » (au pied ou en limite de la barthe) ; à Carcen-Ponson, en rive droite de la Midouze, on rencontre un lieu-dit Pouylebarthe, « la hauteur (poi) voisine de la barthe ». Certaines grandes barthes du Bas-Adour rappellent la végétation dominante avant leur aménagement : Barthe dous Berns (barta deus vèrns : barthe des aulnes) à Port-de-Lanne, ou bien Barthe de Gestède (gèsteda, « endroit couvert de genêts ») à Oeyregave.
Les grandes barthes aménagées du Bas-Adour résultent de la volonté de conquérir des terres agricoles. Les bâtiments (métairies, fermes) jalonnent le bourrelet alluvial des “barthes hautes”. Lesquelles résultent des multiples dépôts d’alluvions apportées au fil des siècles lors des crues. Depuis les aménagements du XVIIIe siècle, des digues (2 à 3 m sur les points cotés de la carte IGN) dotées de portes à flot (en bois) et à clapets (en bois ou en fonte) protègent les terres basses de la montée des eaux (marée bi-quotidienne et crues importantes). En arrière, la “barthe basse”, au pied des premières pentes des côteaux (lo sequèr, littéralement “endroit plus sec, plus égoutté”), est à très faible altitude, à “fleur d’eau” (points cotés 0 ou 1 m maximum). D’où les drains, appelés “esteys”, souvent rectilignes traversant les barthes, à Saint-Étienne-d’Orthe, à Saint-Barthélémy ou à Saint-Laurent-de-Gosse. Le curieux nom « baluhart », dérivé du vocabulaire des fortifications (XVIe et XVIIe siècles) vient du néerlandais et s’apparente au français « boulevard », mais il revêt au bord de l’Adour maritime le sens de canal de drainage (Grand Baluhart et Petit Baluhart au Bois de Boulogne de Dax, Bahurat à Préchacq-les-Bains ou le Baluard au milieu des barthes de Port-de-Lanne).
L’appellation « saligue » (saliga) vient du saule (salix en latin, sauç en gascon) qui se plaît sur les sols humides. D’où des lieux-dits tels que Saoux (rive du Gave de Pau à Saint-Pé-de-Bigorre) ou des dérivés comme Saucède (commune riveraine du Gave d’Oloron), Saousilla (saucilhar) à Montaut ou la Saucille (la saucilha) à Mugron.
D’un point de vue hydrologique et paysager, les termes saliga ou saligat correspondent à des bosquets de saules parfois denses. Ils apparaissent dans le lit majeur du Gave de Pau et ou dans celui de l’Adour. Plus spécialement dans la partie moyenne de ces cours d’eau, notamment lorsque la vallée s’élargit, entraînant une divagation des eaux, entre lit mineur, bras secondaires ou abandonnés, à la faveur des crues printanières ou orageuses ou bien lors des étiages importants découvrant d’importants bancs de graviers. Dans la vallée moyenne de l’Adour, entre Saint-Sever et Riscle, on repère ainsi les Saligas (los saligàs) à Corneillan, le Saligat à Aire, Salligot (saligòt) à Montgaillard, Saligas de Petit Jean et Cams Dou Saligas (camps deu saligàs) à Renung qui correspond à la zone du milieu protégé à partir de 2003, suite à l’aménagement de la retenue de Bordères-Cazères destinée à écrêter les crues du fleuve (220 hectares sur les communes de Bordères-et-Lamensans, Cazères-sur-l’Adour et Renung).
Issus du germanique *salha (même origine que le latin salix), on trouve, moins nombreux, des lieux-dits Saillet (saliet ou salhèit). Il s’agit de berges plantées d’osier, des saussaies. Ce microtoponyme se repère à Pouzac (Hautes-Pyrénées), à Gouts (Grands Saillets), à proximité des vastes terres du domaine de Sengresse, à Souprosse, qui appartint à la famille de Frédéric Bastiat, ou même en Vallée d’Aspe (eth Salhet, aux confins de Lées-Athas, sur le bord du gave, d’où partaient les radeaux de la mâture destinée aux chantiers navals de Bayonne).
En bordure du lit mineur, le terme camó correspond à des zones semblables aux saligues : plates, généralement boisées ou buissonnantes même si elles ont pu être mises en pâtures ou en culture. Linguistiquement, il vient d’un terme gaulois, *cambo, désignant la rive convexe et fertile d’un fleuve. Dans le bassin de l’Adour, il est fréquent à proximité du Pays basque dans la vallée du Gave d’Oloron et dans celle du Saison (Camous à Guinarthe-Parenties et à Nabas, las Camouères à Lichos). On le repère plus rarement dans la vallée du Gave de Pau (Artix) et, dans celle de l’Adour, à Asté (Hautes-Pyrénées) et à Riscle (Gers).
Aujourd’hui les barthes et les saligues demeurent un milieu naturel unique fragile où une faune et une flore spécifique s’y développent, milieu que l’homme cherche à protéger et à valoriser.
Bien lisible est la localisation des grandes barthes dans le lit même du fleuve et dans celui de son affluent, le Luy de France. On observe l’ampleur de ces paysages entre Pontonx et Dax et entre la cité thermale et l’amont immédiat de Bayonne (Saint-Barthélémy).
Orientée vers l’ouest (haut du cliché), la photo montre bien le Bec du Gave où le fleuve reçoit, en rive gauche, les Gaves réunis. De part et d’autre des deux cours d’eau, on distingue l’étendue plane des grandes barthes. Aménagées au XVIIIe siècle, ces zones alluviales (celles de Sames et de Guiche en rive gauche, celles de Sainte-Marie-de-Gosse en rive droite) sont particulièrement aptes aux cultures ou aux pâturages.
Plan dressé comme pièce argumentaire à l’occasion d’un procès. Juste en aval de la confluence avec le Bahus, dans un secteur à l’évidence évolutif du lit de l’Adour, graviers, saligues et paishèra (digue de pieux pour guider ou contenir les eaux) sont nettement mentionnés.
Dans cette partie de l’Adour moyen, la plaine est large et le lit apparent du fleuve manifeste de nombreux changements de tracé. Îles, sans doute submergées en période de crues, bras morts de méandres abandonnés, défluviations (déviations) : le lit majeur a en fait beaucoup évolué. Depuis l’établissement de la carte (milieu du XIXe siècle), le paysage de ce secteur a beaucoup changé en raison de l’exploitation des galets et graves dans les ballastières donnant aujourd’hui un paysage d’étangs.
Nanti de galets et graviers utiles à la construction, le cours moyen de l’Adour a longtemps été exploité, de manière assez intensive. D’où les altérations du paysage qui ont dégagé d’importants plans d’eau dans certaines saligues ou méandres abandonnés.
Iles et îlots
Bancs de graviers, de galets ou de sables, îlots et îles ponctuent dès l’amont, le cours de l’Adour ou des Gaves. Ces portions de terre ceintes par de l’eau douce sont « enfantées » par le cours d’eau. Ils naissent parfois “d’une simple branche qui, arrêtée par un petit banc de sable se fixe dans la vase. Chaque inondation apporte de nouvelles alluvions, de nouvelles semences, le banc de sable devient bois de saules ou de peuplier” (« Histoire d’un ruisseau », 1869, Elisée Reclus). L’Homme s’en empare, poussé par la curiosité et l’imaginaire. Familiarisé à ce nouvel espace entre deux rives, il le conquiert, l’exploite, lui donne un nom, parfois issu de l’usage qu’il en fait, l’île aux vaches, l’île aux moutons.
L’île devient importante, essentielle parfois. C’est un espace supplémentaire que l’on valorise pour l’agriculture, l’élevage, la pêche. Refuge pour l’activité humaine, parfois isolat pour la faune et la flore, elle prend sa place dans l’histoire du fleuve, devient terre de conquête. Les changements hydrographiques du fleuve, les bouleversements sociaux et économiques du siècle dernier ont touché les îles de l’Adour de plein fouet. Si quelques-unes ont conservé leurs habitants et sont encore exploitées, d’autres ont disparu ou sont protégées, inscrites dans les Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), elles deviennent patrimoine.
Îles et îlots se trouvent principalement dans deux zones du fleuve. S’ils semblent absents dans le Haut Adour, on les trouve dans le Moyen Adour, autour de Cahuzac, Renung, Cazères, Riscle. Bancs de graviers, galets et sable apparaissent et disparaissent au cours des siècles, résultat des modifications naturelles du lit mineur du fleuve ou des travaux réalisés par l’Homme, aménagements de rives, créations de canaux, carrières d’exploitation. Quelques-uns sont cependant utilisés comme point relais entre deux rives. C’est le cas dans la commune de Souprosse, au lieu-dit Laguillon : la carte de l’état-major (1820-1866) montre un banc, vraisemblablement de graviers, permettant à un bac de prendre appui ou de servir de relais sur le chemin reliant Souprosse à Nerbis. C’est dans le Bas Adour qu’îles et îlots sont le plus renseignés. De Dax à l’embouchure, toutes périodes confondues, on en compte une vingtaine. Beaucoup ont été rattachés au rivage, naturellement ou par l’intervention de l’Homme, certains ont totalement disparu, d’autres subsistent telles les îles de Mirepech, Berenx, Broc, Lahonce et le Sablot. Une grande partie de ces dernières est inscrite dans l’histoire du fleuve. L’île de Mirepech est citée entre 1118 et 1136, au sujet d’une donation ; celles de Belay et de Corbeire, aujourd’hui disparues, situées toutes deux en aval de Bayonne, sont citées dans les Rôles Gascons, textes du XIIIe siècle. Il est écrit en 1256 que “ Si quelqu’un achète du poisson qui est pêché de l’aval de l’île de Belay à l’amont de l’île de Corbeire, il perdra le poisson et le bateau ». En 1340, on apprend que l’île de Belay est cédée à Bidau de Claracq, négociant-marchand de Bayonne pour ses bons et loyaux services. Les archives anciennes nous renseignent également sur l’usage des îles. Certaines d’entre elles sont vendues par la ville de Bayonne, mises en herbage pour y faire pâturer les vaches ou utilisées comme vergers. Ces quelques exemples suffisent à illustrer le rôle que ces îles ont joué sur l’aval du fleuve. Elles sont sources et ressources pour l’élevage et l’agriculture, limites de droit de pêche.
Dans les périodes plus récentes, ces terres sont encore évoquées par le Marquis de Castries, ministre de la marine en 1781, lors du recrutement des inscrits maritimes: « Les hommes des îles sont presque tous agriculteurs si dans le nombre il y a quelques pêcheurs, ils n’exercent cet état que dans les saisons mortes pour l’agriculture… ». Le recrutement des hommes est si important que le ministre termine ainsi sa correspondance : « Le zèle a emporté l’inspecteur aux classes au-delà des bornes prescrites en dépeuplant entièrement sept petites
îles ». Au cours du XIXe siècle, lors de la campagne de France sur le front pyrénéen (décembre 1813-avril 1814), les îles de Mirepech, de Berenx, de Broc et de Rolle sont occupées par les troupes françaises.
Au XXe siècle, l’île de Broc (territoire communal d’Urcuit) est habitée ; on y produit maïs, haricots, citrouilles, pomme de terre et fruits.
Si aujourd’hui quelques-unes de ces îles sont toujours habitées et exploitées (Mirepech, Bérenx, Lahonce), beaucoup ont disparu. Inscrites dans le paysage, parfois protégées, intimement liées aux hommes, îles et îlots deviennent patrimoine, car porteurs d’une part de la mémoire du fleuve.
Cette carte manuscrite date de l’extrême fin du XVIème siècle, soit à peine deux décennies après le départ de l’Adour vers Bayonne. Cette aquarelle permet de localiser le bassin de l’Adour depuis la Chalosse jusqu’à l’océan ainsi que l’ancien lit de l’Adour à l’Ouest qui se dessine nettement, longeant le littoral. Ce document constitue une rare représentation du cours aval de l’Adour avec ses îles et îlots ponctuant le fleuve entre le Bec du Gave en amont (à droite de la carte) et l’embouchure.
Située entre Urt et Saint-Barthélémy, l’île de Berens témoigne d’un habitat ancien et dont l’histoire raconte qu’elle fut le lieu d’accueil des fêtes somptueuses données lors du séjour de Charles IX et de sa mère Catherine de Médicis en 1565 (même si le banquet avait été donné sur l’île de Lahonce ou de Roll, plus près de Bayonne), et certainement en 1808, du déjeuner de Napoléon.
La maison de maître de Bérens a été reconstruite vers 1825 sur l’île qui lui donne son nom. Ses nombreuses dépendances agricoles témoignent du dynamisme économique de la propriété au début du XIXe siècle. Protégée des eaux du fleuve par un pourtour de pierre, l’île est drainée par un système de canaux d’assainissement. Les bâtiments de la maison de maître, en moellons de calcaire enduits, sont surélevés sur des pilotis. Outre une grange, un fenil, une étable et une écurie, les dépendances abritent une bergerie, une porcherie, un séchoir à maïs, une orangerie, une faisanderie, un vivier, une forge et un four à pain.
La propriété possède également une chapelle privée et un verger. Dépendant de la maison de maître de Bérens et érigée vers 1863 dans la cour, à l’emplacement d’un bâtiment construit en 1699, la chapelle de l’Immaculée Conception est l’œuvre de l’architecte Charles Besoin.
Méandres
Au sens géographique, le terme méandre vient du nom d’un fleuve d’Asie mineure. Schématiquement, la sinuosité d’un méandre oppose la rive ou berge concave (creusée par l’érosion due à la force du courant) à la rive convexe de l’intérieur de la courbe, « engraissée » par la sédimentation. Cependant, dans certains secteurs, les courbures et changements de direction sont dictés en partie par les fractures structurelles liées à la tectonique du massif ou bien aux dépôts morainiques laissés par les dernières glaciations. C’est le cas des segments proches de la zone pyrénéenne pour le bassin de l’Adour…
Ainsi le Gave de Pau, après avoir traversé le Lavedan, s’infléchit-il vers le Béarn, à l’ouest, au niveau de Lourdes, par une gorge assez encaissée jusqu’à Montaut ; il laisse au nord, une ligne de partage des eaux en limite méridionale du plateau de Ger. De même, le Gave d’Ossau change-t-il sa course vers l’ouest – vers Oloron – au niveau d’Arudy et de Sévignacq-Meyracq, lorsqu’il est dévié par le vallum morainique (dépôts laissés par l’ancien glacier d’Ossau) lors de la glaciation de Riss, à l’ère quaternaire.
À l’opposé, dans la partie moyenne et basse de l’Adour, c’est moins la structure (cassures ou failles) qui guide le cours d’eau que la faiblesse de la pente et l’encombrement du lit par des matériaux. Ils produisent ou ont entraîné des zones de ralentissement. Freiné par ces alluvions, le fleuve les dépose et éventuellement les remanie.
Courbures de l’Adour moyen, de Bagnères-de-Bigorre à Saint-Sever.
La vallée s’élargit progressivement en aval de Bagnères, précisément à partir de Montgaillard où commence la plaine de Tarbes. Elle devient plus ample tout en conservant un fond plat dont les altitudes décroissent régulièrement. Dès Pouzac, au « saut de l’Adour », là où se trouve la prise d’eau du canal d’Alaric, le fleuve passe de 517 m d’altitude en amont à 492 en aval. Il est à 349 m aux abords de Tarbes pour se retrouver à 180 m à Maubourguet. Dans son ample courbure gersoise, ralenti par de nombreux méandres, il n’est plus qu’à 107 m à Riscle et 80 m à l’entrée d’Aire. Le voilà seulement à 35 m à Saint-Sever (quartier Péré), puis on repère la cote 13 m à la confluence avec la Midouze (Bégaar, Vicq-d’Auribat). Or, il lui reste plus de 70 km jusqu’à l’Océan...
Parmi les formes originales dues à l’érosion fluviatile se remarquent de nombreux bras morts ou des méandres recoupés, appelés ailleurs oxbow, billabong, broteau ou lône : à Goux, en aval de Préchac-sur-Adour, ou bien à Cahuzac-sur-Adour, à Tarsac, à Saint-Germé, à Corneillan, à Bernède, à la limite d’Aire et de Cazères-sur-Adour et bien sûr dans le site naturel des saligues à Bordères-et-Lamensans. Dans cette partie moyenne, le lit majeur du fleuve peut aussi être modifié dans le détail par des travaux d’aménagement (barrages, seuils, canaux) ou d’exploitation (gravières, granulats) engendrant des plans d’eau sur certains segments (Bazet et Bours en aval de Tarbes, ou bien Cahuzac-sur-Adour, Cazères, Saint-Maurice et Saint-Sever).
L’Adour, de Saint-Sever aux Gaves-Réunis.
De la confluence avec la Midouze à 13 mètres d’altitude au château du Bec-du-Gave, le fleuve ne descend en gros que de 10 mètres. D’où, son assez lent écoulement. De ce fait, le lit mineur décrit de fréquents méandres qui, abandonnés ou déplacés au fil des siècles, ont fait changer parfois l’aspect du paysage. « Chaque méandre de l’Adour, en aval de Saint-Jean-de-Lier et en amont de Mugron, possède aussi des alluvions grossières très récentes, sous forme d’un bourrelet d’alluvionnement en rive convexe, en particulier autour du village de Toulouzette », selon la carte géologique (Système d’information pour la gestion des eaux souterraines en Aquitaine. Ce sont des sables et graviers d’origine diverse, sédimentés sur quelques mètres d’épaisseur. Les variations du lit de l’Adour sont donc relativement récurrentes et perceptibles à l’échelle humaine. Dans l’histoire rurale des rives chalossaises, l’alluvionnement joua d’ailleurs en certains lieux un rôle précieux (limons fertiles) pour l’agriculture.
Déplacés et poussés par saltation ou suspension, les sables ont donné à Dax le nom du quartier du Sablar. Ce fut un port actif au temps de la batellerie sur l’Adour. Mais il faut aussi tenir compte du fait que des atterrissements de sable aient pu arriver de la couverture sablonneuse des Landes de Gascogne par érosion régressive, c’est-à-dire par phénomène d’érosion progressant de l’aval vers l’amont.
Certaines formes sont remarquables. Par exemple, sur le territoire de Bégaar, en amont du Luzou, affluent de rive droite, on distingue un méandre inverse. Un autre, en épingle à cheveux, apparaît entre Pontonx-sur-l’Adour et les territoires de Gousse et Préchacq-les-Bains en rive gauche.
Hormis les deux grands méandres qui se suivent entre Port-de-Lanne et Sainte-Marie-de-Gosse, le cours du fleuve est légèrement moins sinueux en aval de Dax. Cela tient sans doute à l’aménagement des barthes et à l’influence de la marée.
Ce document de 1824 révèle, en rive gauche de l’Adour (le nord est au bas de ce plan), un peu en amont de Saint-Sever, les affouillements sapant les rives, sans doute consécutivement à de fortes crues répétées. La « métérie Larrioux appartenant au lieutenant-général Max [imien] Lamarque » est ainsi dite « ruinée ». D’où, afin de tenter de lutter contre l’érosion fluviatile, ce projet consistant à installer deux épis pour garantir les propriétés et essayer de « remettre la rivière dans son ancien lit ».
À Bégaar, le méandre inverse est assez resserré ; son pédoncule (partie reliant le lobe au reste du plan alluvial) est aujourd’hui couvert de forêt. Sur la carte IGN de 1950, on perçoit le caractère inondable de cette zone de confluence avec la Midouze. D’où cette levée de terre de belle taille, au sud du territoire communal, qui ceinture complètement cette zone basse. L’habitat s’y situe en périphérie. Cette protection, réalisée entre 1848 et 1856 ne figure pas sur la carte du XIXe siècle dite de l’État-Major
Sur un plan des Ponts-et-Chaussées de 1835 en vue d’améliorer le lit de l’Adour et faciliter la navigation est envisagé un recoupement du méandre en limite de la commune de Préchacq-les-Bains. Attention ! Ce document est orienté au sud (le nord est en bas). La coupure aurait été faite dans le bois de Préchacq (dans les barthes, en fait), au sud du ruisseau de l’Arribon. Le déclin de la navigation fit abandonner ce projet.
Prise au niveau de Pontonx-sur-l’Adour, cette photo aérienne des années 1950-1965 permet de distinguer (la plage blanche allongée) les atterrissements de sable ou graviers sur chaque rive convexe de méandre. Précédant les transformations agricoles du XXe siècle, ce cliché révèle aussi un parcellaire à double caractéristique dans cette zone où commencent les grandes barthes : d’une part, des parcelles d’exploitation assez allongées, en lanières (corrèjas en gascon) ; d’autre part, des haies ou des rideaux d’arbres assez fréquents. C’est sans doute la preuve de l’intérêt des paysans de l’époque (propriétaires comme métayers) à exploiter des terres alluviales riches.
Photographié plus récemment vers la fin des années 2010, le même secteur de Pontonx-sur-l’Adour révèle changements et revalorisation. On observe l’accroissement de la commune par l’extension du bâti en haut à gauche du cliché. En amont comme dans les courbes du méandre, les rives de l’Adour ont changé d’aspect. Un rideau d’arbres assez fourni masque l’ancien chemin de halage. Les restructurations agricoles ont entraîné un remembrement perceptible : parcellaire plus large, disparition de nombreuses haies... À droite de la photo, sur la commune de Gousse (rive gauche de l’Adour), on distingue une petite étendue forestière, relevant de ce qu’on nomme les « chênaies de l’Adour », boisements revalorisés depuis les années 1980 pour une quarantaine de communes.
Emblématique est cet extrait de la Carte de Cassini entre Rivière (Saas-et-Gourby aujourd’hui) et Saubusse. À l’intérieur du méandre, anciennement recoupé, une île est en voie de poldérisation (transformation en polder, terme issus du latin palus, paludis, “marais”, selon la technique flamande ou hollandaise). En effet, une digue ferme nettement ce qui correspond aujourd’hui au « canal » appelé l’Esté, assez large. C’est une sorte de bras mort séparant une zone apparemment mieux « assainie » ou asséchée, d’un autre secteur, plus humide, près des premières terrasses plus élevées (7 à 12 m) du village de Rivière. Sur la carte actuelle, c’est le secteur traversé par le canal dit de la Barthe ouverte, comme une lône (bras mort) au milieu de marais (ou mollières) très apparents. C’est un peu la zone emblématique des barthes – terres d’élevage des petits chevaux landais évoqués dans un poème d’Isidore Salles – qu’on retrouve sur les images d’antan véhiculées par les cartes postales ou par un article de février 1942 sur la « Chasse à la jument » dans le magazine L’Illustration.
Embouchure
Après avoir parcouru plus de 300 kilomètres et traversé plusieurs territoires, l’Adour, se jette aujourd’hui dans l’océan au Boucau Neuf, à six kilomètres à l’ouest de la ville de Bayonne, entre les communes de Tarnos au nord et d’Anglet au sud. Ce boucau (bocau en gascon), est une embouchure artificielle précédée d’un canal creusé sous la conduite de l’ingénieur Louis de Foix en 1578. Le percement de cette nouvelle ouverture sur le Golfe de Gascogne est la conséquence d’une triple volonté : fixer l’embouchure naturelle qui se déplaçait depuis plusieurs siècles ; assurer la position de Bayonne en tant que port ; maintenir sa domination sur le commerce fluvial. Pendant des siècles, l’embouchure de l’Adour s’est déplacée naturellement du sud au nord et a connu de nombreuses obstructions par les sables. Les sources historiques divergent cependant sur la datation de ces déplacements successifs…
Ces divagations et ensablements n’étaient pas exclusivement dus à la « grant turmente de la mer et aux grans sables », c'est-à-dire à la force de l’océan (apport de sable par la houle), mais également aux courants marins nord-sud (contraires à la direction du fleuve), aux vents de secteur ouest et aux crues du fleuve. Ces éléments combinés déplaçaient les sables dans l’embouchure, l’obstruaient, obligeant le fleuve à trouver une nouvelle issue.
En 1333, le fleuve se dirige vers le nord et une nouvelle embouchure s’ouvre à Vieux-Boucau. Il y a donc deux accès à l’océan : le chenal de la Pointe (le lit de l’Adour jusqu’à Vieux Boucau) et un bras résiduel à Capbreton. A la fin du XVe siècle, l’embouchure de Capbreton est colmatée, le fleuve rejoint l’océan à La Pointe (Vieux-Boucau-Port d’Albret), augmentant sa longueur d’environ 15 kilomètres. Le débit de l’Adour s’en trouve ralenti et la navigabilité réduite. Les bateaux doivent alors réduire leur capacité de charge, ce qui est une menace pour le commerce bayonnais et ses environs. Au début du XVIe siècle, les bateaux de faible tirant d’eau ne peuvent plus atteindre Bayonne. La décision est alors prise d’aménager une nouvelle embouchure, celle du Boucau Neuf.
Dans un premier temps, c’est Claude Trimart dit le Capitaine Flayol qui, en 1561, vient à Bayonne sur l’ordre du roi Charles IX pour s’occuper du projet et commencer l’ouvrage. En 1571, alors que les travaux sont abandonnés suite, entre autres, à des problèmes financiers, le roi nomme un nouvel ingénieur. Louis de Foix, prend donc la suite du Capitaine Flayol. Il est affecté à la direction des fortifications de la ville et à la fixation de l’embouchure. Son projet prévoit de barrer le fleuve au niveau du Trossoat (lieu-dit en rive droite, proche de l’actuelle ville du Boucau), par une digue en “charpenterie”, renforcée à l’intérieur d’une fortification en maçonnerie.
Constituée de trois rangées de bois équarris (verne et aulne), cette construction doit supporter la pression du fleuve. Puis, Louis de Foix fait creuser un canal, de la digue du Trossoat jusqu’à l’océan, sur une longueur de 1800 m. Les travaux durent cinq ans, de 1573 à 1578. Malgré une main-d’œuvre importante (plusieurs milliers de “journées”), les travaux avancent lentement. Les conditions de travail sont rendues difficiles par des inondations et des tempêtes. Le 28 octobre 1578, la dernière zone de sable cède, probablement sous la pression exercée par des inondations. La nouvelle embouchure est ouverte.
À partir de cette date les ingénieurs n’ont de cesse de contenir le fleuve dans son lit et sa nouvelle embouchure. Des digues sont érigées sur chaque rive, la lutte contre l’ensablement est engagée.
Le changement de régime du fleuve, le mouvement des sables côtiers, le flux et le reflux, les courants contraires produisent progressivement un bourrelet de sable sous-marin barrant perpendiculairement le fleuve au niveau de la nouvelle embouchure : la barre. Les sables forment des bancs mouvants. Les routes d’entrée et de sortie des navires changent régulièrement. Afin de guider les navires dans le nouveau chenal de navigation et les conduire jusqu’au port de Bayonne, il faut des spécialistes. Ce sont les pilotes de l’Adour.
Les conséquences de l’aménagement de cette nouvelle embouchure se font encore sentir de nos jours. Une drague – bateau pour retirer le sable et les vases de l’embouchure et du lit de l’Adour – doit entretenir régulièrement le fleuve. Après les avoir ramassés, elle les clape au large. Environ 600.000 m3 de ces sédiments ont été dragués et clapés en 2018. Depuis plus de 400 ans l’Homme surveille, contrôle et maitrise son Boucau Neuf pour permettre le maintien du commerce et de la pêche. Fermer
Cette carte, sur laquelle l’ouest est en haut, réalisée en 1612, représente le cours de l’Adour de Bayonne à l’océan. Y figurent, la ville de Bayonne et ses trois quartiers : le Grand et le Petit Bayonne, protégés par les remparts et séparés par la Nive ; le quartier Saint Esprit, rive droite de l’Adour. Se repèrent aussi le banc Saint-Bernard en aval de la ville, îlot de sable en face de l’abbaye Saint-Bernard (rive droite), la nouvelle embouchure et la digue du Trossoat érigée par Louis de Foix. Et enfin l’ancien lit de l’Adour se dirigeant vers Capbreton. Des navires empruntent la nouvelle embouchure.
Cette carte de 1805 illustre le cours de l’Adour de Bayonne à l’embouchure. On y voit les digues nord et sud progressivement réalisées afin de maintenir le fleuve. Son intérêt est de représenter la configuration de la partie aval de l’Adour (embouchure et passe empruntées par les bateaux à cette époque). Le lit de l’Adour est ponctué de bancs de sable (dont le banc Saint-Bernard), de rochers (dont ceux de Casquet qui ne découvrent qu’à basse mer). L’embouchure est presque totalement fermée par deux langues de sable qui ne laissent qu’un passage étroit pour les navires. La route que les vaisseaux doivent suivre pour atteindre le port de Bayonne, accompagnés des pilotes, est tracée en pointillé. Une balise mouvante, rive gauche, indique aux vaisseaux la direction de la passe.
Cette carte, datée de 1630 a été réalisée par Jodocus Hondus. Elle représente l’Adour et son embouchure au Boucau Neuf, la langue de sable séparant l’ancien lit du fleuve de l’océan et des bancs de sable entre Capbreton et Vieux Boucau. Trois boucaux (embouchures) sont signalés : Boucau Neuf en aval de Bayonne, Boucau de dion au niveau de Capbreton, Vieux Boucault à hauteur de la ville du même nom. Sur cette carte, la communication entre la nouvelle embouchure et l’ancien lit de l’Adour a disparu, comblée par les sables. Le document met en évidence la complexité du littoral. Dunes, bancs de sable, succession de boucaux dessinent un trait de côte instable.
Le XIXe siècle est marqué par une politique systématique de grands travaux dans le domaine des voies navigables. Cette politique nationale, conjuguée aux difficultés locales rencontrées dans l’embouchure du Boucau Neuf (ensablement, passe dangereuse), conduit, en 1837, à l’élaboration d’un projet de construction d’un canal allant de Bayonne à Capbreton. Non réalisé, ce projet est reconduit en 1862 par Maignon de Roques. Il propose la construction d’un canal maritime reliant le Boucau Neuf à Capbreton qui emprunterait l’ancien cours de l’Adour et serait régulé par deux écluses. Ce projet, publié en 1864 sous le titre Canal maritime de Capbreton à Bayonne et illustré par une peinture d’Eugène Rodolphe (1873) ne sera jamais réalisé. Le tableau présente le projet du canal dans son intégralité, des navires s’approchent et franchissent l’embouchure du fleuve à Capbreton pour rejoindre ensuite le port de Bayonne.
Les auteurs
Dans le cadre de l’exposition « Adour, d’eau et d’hommes » présentée aux Archives départementales des Landes, un conseil scientifique composé de deux historiennes et d’un géographe a été retenu afin de rédiger une synthèse autour de trois grandes thématiques que sont « La ressource », « Le courant » et « Le chemin de l’eau » dans lesquelles vous aurez plaisir à découvrir de nombreux chapitres sur l’histoire du fleuve Adour.
Les Archives départementales, la direction de la culture et du patrimoine ainsi que le Conseil départemental des Landes tiennent à adresser leurs remerciements aux différents auteurs pour la qualité de leurs textes
- Madame Chantal Boone est docteur en histoire contemporaine (Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris) et spécialiste en histoire de la médecine et des sciences biologiques au XIXe siècle. Professeur en immunologie puis en histoire et géographie, elle a été enseignante au service éducatif des Archives départementales des Landes. Retraitée de l’Education nationale, elle est l’auteur de deux ouvrages, Léon Dufour (1780-1865), savant naturaliste et médecin et Hommes de sciences dans les Landes aux XVIIIe et XIXe siècles et codirectrice de publication des Actes du colloque Herbiers, trésors vivants.
- Docteur en histoire (Université de Pau et des Pays de l’Adour), madame Sophie Lefort-Lehmann est spécialiste du patrimoine fluviomaritime. Enseignante en tourisme, histoire et patrimoine à Bayonne, elle occupe le poste de médiatrice culturelle pour le Pôle Patrimoine et l’Office de tourisme de la Ville de Bayonne. Elle est également l’auteur d’articles dans les revues Historia et Arcades.
- Agrégé de géographie, monsieur Jean-Jacques Fénié a enseigné la géographie et la géopolitique du monde contemporain en CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) à Pau, puis à Bordeaux. Membre du conseil scientifique de l’exposition « Adour, d’eau et d’hommes », il est l’auteur de nombreuses publications dont le Dictionnaire des pays et provinces de France co-écrit avec son épouse Bénédicte Fénié, L’invention de la Côte d’Argent suivi du Vocabulaire de la Côte d’Argent, etc. Il est membre de la Société de Borda et correspondant de presse pour le journal Sud-Ouest où il assure aussi la rubrique hebdomadaire Parlam gascon.
Les Archives départementales remercient également tout particulièrement l’Institution Adour ainsi que son Président, Paul Carrère et Aurélie Darthos, directrirce générale des services techniques pour leurs investissements, disponibilités et l’écriture de la dernière partie de cette publication de synthèse.